France

La Ville de Paris rend hommage aux morts et accidentés du travail

Avec plus de 1.000 morts par an, la France est le pays de l’Union européenne qui compte le plus d’accidents et de décès au travail. A Paris, huit personnes sont mortes au travail en 2022. Des chiffres pris au sérieux par la ville qui rend hommage pour la première fois ce vendredi 28 avril aux victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles, en dévoilant une plaque dédiée à la Bourse du travail.

L’initiative fait suite au vote en novembre dernier d’une délibération à l’initiative du groupe communiste (dans le cadre d’une « niche », sur le modèle d’une niche parlementaire), à la suite de laquelle la ville s’est engagée sur un objectif « zéro mort au travail ». Le texte prévoyait notamment d’organiser tous les ans « une commémoration devant la Bourse du Travail de Paris en l’honneur des personnes mortes au travail ou suite à un accident du travail et dans les arrondissements volontaires ».

Les derniers de cordée

Mais elle intervient surtout à la suite de plusieurs morts d’ouvriers sur le chantier du Grand Paris Express, qui placent la capitale sous d’obscurs phares. « Cela paraît important que la Ville de Paris manifeste son soutien à une cause sociale assez oubliée du débat public », estime Laurence Patrice, adjointe à la Maire de Paris en charge de la mémoire, qui ajoute que « les accidents du travail concernent les premiers de cordée, qui sont souvent les derniers de cordée quand il s’agit de reconnaître leurs droits. » « On normalise le fait que des gens puissent perdre leur vie en essayant de la gagner. Ce moment de mémoire montre qu’il y a des organisations du travail accidentogènes », complète Barbara Gomes, conseillère du Groupe Communiste et Citoyen.

Associée au travail qui a abouti à la délibération « Paris Ville exemplaire sur la sécurité au travail », la CGT se félicite de cette commémoration, dont elle estime qu’elle participera à sortir les ouvriers morts dans les chantiers de leur anonymat. « Paris est la première ville à faire ce travail » se réjouit Philippe Gaborieau, secrétaire fédéral à la CGT.

La charte des chantiers des JO comme modèle

La CGT veut surtout pousser Paris à adopter une charte sociale ambitieuse : « On est partis de la charte des Jeux olympiques, imposée par Bernard Thibault [ex-secrétaire général de la CGT]. On a mis tout ce qui manquait dans la charte JO, comme la création d’un observatoire national » , raconte Bruno Bothua, secrétaire général de la FNSCBA, qui fédère les salariés du bâtiment. Le secrétaire général veut notamment réduire la sous-traitance et permettre aux représentants du personnel des visites inopinées de chantiers, ce qui selon lui a permis aux travaux des JO d’être plus sûrs que ceux du Grand Paris Express.

Selon le cabinet d’Afaf Gabelotaud, l’adjointe de la maire en charge des entreprises, un comité de rédacteurs et rédactrices est en train d’être monté, avec pour objectif de faire signer la charte à la rentrée 2023. Le cabinet précise que cette charte n’aura pas de valeur obligatoire : « On ne peut pas imposer, à cause du code des marchés publics, à des entreprises de suivre cette charte. »

« Sur Scootlib je veux une clause qui engage »

Est également en jeu le devenir de la clause de droit social promise par le texte, censée privilégier « les entreprises socialement et écologiquement vertueuses » dans les marchés publics et permettre de rompre le contrat en cas de manquement au droit social ou au droit pénal. Quand s’appliquera-t-elle et sur quels marchés publics ? Pour Nicolas Bonnet-Ouladj, il faut pouvoir l’appliquer par exemple sur les prochains contrats prévus avec les loueurs de scooter électriques. 

Au final cette journée de commémoration apparaît pour les élus communistes, à l’initiative, comme un bon moment pour inciter les autres collectivités, parlementaires, maires etc. à « reprendre ce travail ». « On espère un effet d’entraînement, et que cela inspire le pouvoir législatif », commente Barbara Gomes. Qui ajoute : « L’idée qu’une collectivité mette son nez dans dans l’organisation du travail c’est révolutionnaire. Normalement c’est de la décision unique de l’employeur, donc c’est quelque chose de fort. »