France

La justice reconnaît le fichage d’opposants à la réforme des retraites

Retour des fichiers politiques ou simple « outil de gestion » ? Des représentants du ministère de la Justice ont reconnu, ce lundi, devant le tribunal administratif, l’existence d’un fichier nominatif, à Lille, de personnes placées en garde à vue lors de la mobilisation sur les retraites.

Le tribunal examinait deux requêtes en référé déposées par l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le Syndicat des avocats de France, ainsi que par la Ligue des droits de l’homme (LDH) après un article de Médiapart dénonçant un tel fichage. Le juge doit rendre sa décision jeudi sur sa légalité.

« Suivi des procédures pénales »

Il s’agit d’un tableur Excel, nommé « Suivi des procédures pénales – mouvement de la réforme des retraites » détaillant les noms, prénoms, dates de naissance des personnes placées en garde à vue lors des manifestations, et les suites pénales données.

Selon le ministère, ce fichier est autorisé par le décret encadrant la base Casiopée, qui rassemble dans un logiciel sécurisé les données des prévenus, victimes ou témoins des procédures judiciaires des dix dernières années.

Le tableur examiné « rassemble simplement les procédures liées à un même évènement, ce que Casiopée ne permet pas de faire en temps réel », et ne contient « aucune autre information » que celles autorisées dans cette base, a détaillé, à l’audience, un représentant du ministère.

Il s’agissait d’un « outil pour la gestion locale », a-t-il assuré, précisant que ce n’est pas la chancellerie qui a « donné cette consigne ». Cela « permet le pilotage d’un évènement particulier » avec une forte « volumétrie des gardes à vue », a expliqué une autre représentante, évoquant l’existence d’autres fichiers de ce type dans d’autres villes.

Quelques dizaines de personnes potentiellement fichées

En regroupant des informations nominatives, les procureurs « se sont permis d’ajouter une donnée majeure : une opinion politique », toutes ces personnes ayant protesté contre la réforme, a objecté Jean-Baptiste Soufron, avocat de l’Adelico et du SAF. « Ce n’est pas autorisé » et « cela revient à du fichage d’opposants politiques », a-t-il dénoncé.

« Si le but est uniquement statistique, pourquoi conserver des données identifiantes, et ne pas se contenter d’un numéro d’enquête », a mis en avant l’avocate de la LDH, Marion Ogier. Selon elle, quelques dizaines de personnes ont potentiellement été fichées, 50 à 100 interpellations ayant eu lieu dans le ressort de Lille depuis le 17 mars. C’est la date à laquelle le fichier semble avoir été créé à la suite du durcissement de la mobilisation après le recours au 49-3.

La procureure de Lille et le procureur général de Douai, également visés par les recours, n’étaient ni présents ni représentés à l’audience.