France

La croix celtique, « symbole civilisationnel des néofascistes »

Les rues du VIe arrondissement de Paris se sont teintes de noir et blanc, samedi, à l’occasion d’une manifestation de groupes d’extrême droite. Chemises noires, vestes noires, casquettes et masques, draps noirs couverts de slogans peints en blanc, et dans les rangs, de nombreux drapeaux noirs frappés d’une croix celtique blanche. Le symbole était de loin le plus présent, partagé par tous les groupuscules rassemblés.

Qu’est-ce que la croix celtique ? Pourquoi ce symbole ancien est-il devenu un signe de ralliement néofasciste ? A quel message renvoie-t-il ? Faut-il interdire son utilisation ? 20 Minutes se penche sur la croix celtique, avec le politologue spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus.

C’est quoi la croix celtique ?

A l’origine, la croix celtique « est une croix chrétienne », rappelle Jean-Yves Camus, particulièrement répandue en Grande-Bretagne, en Irlande et en Bretagne au début de l’époque médiévale. Elle combine, dans cette représentation religieuse, la croix latine classique avec un cercle, symbolisant la Sainte Hostie, dont les branches de la croix dépassent. Par la suite, comme la svastika indienne avant elle (devenue la croix gammée nazie), elle est « détournée après la Seconde Guerre mondiale par les mouvances néofascistes », explique le politologue.

« Il fallait un signe qui rassemble », justifie-t-il, mais « tous les sigles collaborationnistes étaient bannis ». Comme symbole politique, elle perd là-bas de sa jambe inférieure pour devenir une croix régulière qui dépasse d’un cercle. Dans sa version la moins stylisée, elle ressemble à un viseur d’arme à feu. « Pierre Sidos en réclamait la paternité et avait déposé un modèle agréé », précise Jean-Yves Camus.

A quel message renvoie le choix de la croix celtique ?

En reprenant un symbole de l’Europe du nord médiévale, l’ultradroite s’est dotée d’un « symbole civilisationnel qui transcende les nationalités », énonce Jean-Yves Camus. Il souligne d’ailleurs que parmi les cris de ralliement de ces nationalistes attachés à la souveraineté de la France, figure le « Europe jeunesse révolution » du GUD (Groupe union défense), scandé samedi.

Dans l’idéologie de ce mouvement « néofasciste », il existe une identité européenne « dont l’une des composantes majeures est l’appartenance au christianisme », détaille le politologue. D’où le choix d’un symbole directement relié à la religion. Par ailleurs, il précise que si la croix celtique est répandue au sein de l’extrême droite, il existe des exceptions notables, comme l’Action française, qui utilise la fleur de lys de la royauté.

Faut-il interdire la croix celtique (et les manifestations d’ultradroite) ?

Pour Jean-Yves Camus, la sortie des drapeaux frappés de la croix celtique relève du « rituel » au sein de cette mouvance, lors de « commémorations connues » à date fixe. C’est le cas pour l’anniversaire de la mort de Sébastien Deyzieu, depuis le 9 mai 1994, mais aussi depuis 1980 avec l’hommage à Jeanne d’Arc. Celle qui devait se tenir dimanche a d’ailleurs été interdite, après le mot d’ordre transmis par Gérald Darmanin aux préfets.

Mais le politologue se dit « généralement méfiant devant les interdictions généralistes » : « On peut interdire un symbole, il en émergera un autre, c’est une course sans fin. […] Ces manifestations même interdites se tiendront », dit-il à 20 Minutes. En dehors d’une ambiance hostile envers les journalistes, il pointe d’ailleurs l’absence de débordements autour de ces commémorations annuelles. « La seule chose nouvelle, c’est qu’ils étaient 650 cette année car des gens sont montés de toute la France. Ça donne un instantané de la mouvance sur le plan national » précieux pour les services de renseignements, qu’une interdiction pourrait perturber. « L’erreur politique, c’est qu’on ne peut pas à la fois interdire les casserolades et laisser défiler l’extrême droite », tranche-t-il.