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JO 2024 : Léon Marchand, le « Michael Phelps français » qui va claquer cinq ou six médailles à Paris ?

« Pas mal non ? C’est Français. » On ne sait pas bien pourquoi mais la première chose à laquelle on pense à l’évocation du nom de Léon Marchand, c’est ce mème qui ressort régulièrement sur Twitter pour souligner le meilleur et le pire de la France du Général. Un mème qui eut été tout à fait de circonstances le week-end passé, après le troisième record en autant de courses du nageur tricolore lors des finales des championnats universitaires américains (NCAA). Après le 400 yards quatre nages et le 200 yards quatre nages plus tôt dans la semaine, Marchand a marché sur l’eau et ses concurrents sur le 200 yards brasse, dans la folle ambiance du Jean K Freeman Aquatic Center de Minneapolis. Un phénomène est en train de s’affirmer, à un an et demi des Jeux olympiques de Paris.

La filiation Phelps

Le parallèle avec Michael Phelps, l’homme aux 23 titres olympiques, s’amplifie à mesure que le Français améliore ses marques. On voudrait bien ne pas trop en faire et laisser le Toulousain de 20 ans grandir tranquillement dans son coin, mais il est vrai que beaucoup de choses chez lui nous ramènent à l’icône de la natation mondiale, premier homme à avoir remporté huit médailles d’or sur une même édition des JO, en 2008 à Pékin : sa polyvalence, son goût pour le 4 nages et le papillon, et l’entraîneur Bob Bowman, ancien mentor de l’Américain qu’il a rejoint en septembre 2021.

Ce dernier ne nie pas la filiation, d’ailleurs. « Ils ont tous les deux des qualités dans l’entraînement qui font qu’ils peuvent nager très vite quand ils le veulent, et qu’ils peuvent beaucoup s’entraîner, disait-il l’année dernière avant les Mondiaux de Budapest. C’est une bonne combinaison d’avoir du talent, une très bonne technique et aussi d’avoir la volonté d’encaisser un gros volume d’entraînement à une grosse intensité. C’est ce qui les aide à passer au niveau supérieur. Sur ce point-là, ils sont très similaires. »

Qu’on soit bien clair, personne ne demande à Léon Marchand d’égaler le palmarès hors norme de « Baltimore Bullet » (28 médailles olympiques, 34 mondiales), mais pour la première fois de son histoire, le sport français tient sûrement un champion capable de faire trois, quatre, cinq podiums (pour ne pas parler de titres) en une compétition. Le genre de perfs qui compte pour un pays qui vise le top 5 du classement à Paris, comme l’a rappelée la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera il y a deux semaines. Soit un total de 60 à 70 médailles, si l’on se fie aux derniers Jeux de Tokyo.

Impossible encore de connaître le programme de Léon Marchand à Paris, mais il peut potentiellement songer à s’aligner au départ de cinq courses individuelles (200m et 400m 4 nages, 200m papillon, 200m brasse, voire le 200m nage libre), en plus de quelques relais plus ou moins compétitifs à l’heure actuelle. S’il faudra sûrement faire des choix, la brasse et le papillon ayant par exemple lieu les deux mêmes jours (30 et 31 juillet), il y aura largement de quoi faire. « Je ne dirais pas que c’est écrit d’avance, mais il a le potentiel pour faire de grandes choses », assure Nicolas Castel, l’entraîneur de Léon Marchand pendant 11 ans aux Dauphins du TOEC, à Toulouse.

Double champion du monde (déjà)

Ce dernier, toujours en contact chaque semaine avec son ancien poulain, explique toutefois la marge qui existe entre les performances en NCAA et en grand bassin : « Les parties non-nagées, départ, virage, coulée, font partie de ses points forts et il y en a plus dans les compétitions en yards. En grand bassin il y a moins de temps passé sous l’eau, il doit encore gagner en puissance dans la nage pour être encore plus efficace. Il faut être enthousiaste mais ne pas s’enflammer non plus, quand on passe du petit au grand bassin, les choses peuvent se rééquilibrer. Il faut rester humble. »

Les premiers pas de Marchand dans le grand monde ont tout de même été plus qu’encourageants, avec deux titres (200 et 400m 4 nages) et une médaille d’argent (200m papillon) lors des Mondiaux de Budapest l’année dernière, en mettant au passage 3 secondes et 7 secondes à ses temps des JO de Tokyo sur ses deux distances favorites. Tout le monde a hâte de voir les nouvelles références chronométriques du Toulousain lors des Mondiaux de Fukuoka (Japon), en juillet prochain. Le vieux record du monde de Phelps sur 400m 4 nages, effleuré en Hongrie (à 44 centièmes près), ne devrait cette fois pas résister à la tornade.

Léon Marchand après sa victoire sur le 200m 4 nages à Budapest, en juin 2022.
Léon Marchand après sa victoire sur le 200m 4 nages à Budapest, en juin 2022. – Insidefoto/Sipa USA/SIPA

Une partie non négligeable de la réussite de Marchand aux JO sera sa capacité à gérer les attentes, forcément énormes. Le Français a déjà prouvé qu’il savait y faire face, mais tout ce qu’il a vécu jusqu’à présent dans sa jeune carrière est sans commune mesure avec ce qui l’attend pour des Jeux à domicile. Est-ce qu’on craint un peu cette pression dans son entourage ? « Je mentirais si je disais que ce n’était pas le cas, admet Thomas Sammut, son préparateur mental. Aux Etats-Unis, il est préservé des médias, mais l’inconvénient est que si on ne s’y prépare pas, ça peut lui tomber sur le coin de la figure en débarquant un mois avant les Jeux. » Pas de panique pour autant, tout sera déminé en temps et en heure.

Le spécialiste n’a pas encore réfléchi exactement à la manière dont il allait aborder ça avec son nageur. Mais pas par manque d’anticipation. « C’est dans un an et demi, Léon ne sera pas le même qu’aujourd’hui. Il aura encore pris en maturité », dit-il. L’idée générale est en revanche bien établie. « On ne va pas être dans le déni. Je n’ai pas envie que ce soit quelque chose qu’on ne regarde pas, au contraire. Il faut en prendre conscience, en jouer, en profiter même, car c’est dans cette difficulté qu’on se découvre encore plus », estime Thomas Sammut, qui s’est occupé par le passé de Florent Manaudou et Camille Lacourt.

« Quand il s’amuse, il performe »

Au contact du spécialiste, Léon Marchand a déjà beaucoup appris ces dernières années, notamment sur la nécessité de « mettre au cœur de sa réussite son bonheur personnel », comme le résume Sammut. « Il a compris que la compétition sert à aller à la rencontre de qui il est au fond de lui. La médaille n’est pas une finalité, c’est tout ce qu’il va apprendre sur lui qui le booste et qui fait qu’il s’éclate aujourd’hui. » La clé de ses progrès et ses futures performances. « Quand il s’amuse, il performe. Il a trouvé cet équilibre », appuie Nicolas Castel.

On ne peut qu’espérer que ça continue comme ça. Car Michael Phelps, qui avait raconté à la fin de sa carrière être passé par de graves états dépressifs malgré tous ses succès, n’est pas un exemple à suivre dans tous les domaines. « Ce n’est pas le Phelps français, c’est le Marchand français, tout simplement, insiste son préparateur mental. Il suit son propre chemin, écrit son histoire en s’y prenant de la manière qui lui convient le mieux et qui n’est pas la même que les autres. » Pour l’instant, on va dire qu’il ne se débrouille pas trop mal.