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Jeux Paralympiques de Paris 2024 : Comment la France traque les « petits riens » qui feront gagner des médailles

Les combinaisons en natation, la position de l’« œuf » imaginée par Graham Obree en cyclisme sur piste… Depuis toujours, le sportif et son entourage essaient de grappiller les centièmes de seconde et les millimètres qui distinguent le champion de ses dauphins, la gloire éternelle de l’anonymat. On ne parlera ici que des moyens légaux, bien entendu, même si certains, comme les deux exemples donnés, peuvent être interdits a posteriori.

Cette recherche des « gains marginaux » surfe sur les avancées technologiques, et de nombreux athlètes paralympiques tricolores sont désormais concernés, surtout à l’approche du grand rendez-vous à la maison, à Paris en 2024.

Maxime Valet face à Brianna Vidé dans les locaux du CAAPS à Toulouse, le 31 janvier 2023.
Maxime Valet face à Brianna Vidé dans les locaux du CAAPS à Toulouse, le 31 janvier 2023. – Nicolas Stival / 20 Minutes

C’est à Toulouse, à près de 700 km plus au sud, que se trouve le Centre d’appui et d’analyse de la performance sportive (CAAPS). Dans une vaste salle située au Creps de Lespinet, une multitude d’appareils, de caméras et de capteurs étudient les mouvements des sportifs afin d’améliorer leurs performances motrices.  « Le but, pour les athlètes de très haut niveau, c’est de trouver les derniers petits morceaux qui leur permettent de gagner au moment opportun parce qu’ils ont l’outil supplémentaire, explique Muriel Roth, la directrice du Creps. Par exemple, pour Maxime Valet en paraescrime, on a gagné 8 cm d’allonge, ce qui lui a permis d’être médaillé aux Jeux paralympiques [bronze à Tokyo en fleuret par équipes après ceux en individuel et par équipes à Rio en 2016]. »

Unique en France

L’endroit, né de la collaboration avec l’université de Toulouse III – Paul-Sabatier, est unique en France, et accueille une vingtaine de disciplines, valides ou handisports. « Il y avait déjà l’entraînement, la préparation mentale et pas mal d’autres choses, reprend Muriel Roth. Le fait que la science se rapproche du sport permet d’ouvrir un champ des possibles que d’autres nations ont déjà ouvert depuis plusieurs années. »

En revanche, aucun autre pays ne s’appuie sur le savoir-faire d’Airbus. L’avionneur européen collabore depuis mai 2022 avec plusieurs fédérations paralympiques, en fabriquant ou améliorant des fauteuils ou des prothèses, sous la houlette de l’Agence nationale du sport (ANS).

Claude Onesta au siège d'Airbus le 17 mars 2023 à Toulouse, derrière notamment le champion de para-badminton David Toupé et l'ingénieur Christophe Debard (à gauche).
Claude Onesta au siège d’Airbus le 17 mars 2023 à Toulouse, derrière notamment le champion de para-badminton David Toupé et l’ingénieur Christophe Debard (à gauche). – Nicolas Stival / 20 Minutes

« Quand vous faites du sport de très haut niveau, et c’est vrai dans toutes les activités de pointe, Airbus est un exemple exceptionnel, soulignait Claude Onesta, manager général de la haute performance à l’ANS, lors de son passage au siège toulousain de l’entreprise mi-mars. L’avion d’aujourd’hui n’est pas l’avion d’il y a dix ans et encore moins l’avion de dans cinquante ans. Tous les jours, ils réfléchissent plus loin. Le sportif de haut niveau et son coach font aussi cette démarche-là. Tous les jours, ils vont envisager le petit élément qui va permettre de gagner du temps et de l’espace. »

David Toupé, le pionnier

La collaboration concerne 19 projets, issus de cinq fédérations (handisport, aviron, badminton, tir, triathlon), étudiés par une soixantaine d’ingénieurs dans le laboratoire du Protospace, à grand renfort d’imprimantes 3D ou de fraiseuses numériques.

« Depuis que je suis responsable du Protospace, j’utilise ses moyens pour avoir un impact sociétal, indique Christophe Debard, lui-même amputé d’une jambe à 13 ans. J’ai toujours voulu montrer que le handicap était une force, pas une faiblesse. L’opportunité s’est présentée de travailler avec David Toupé sur un projet de parabadminton [en 2017]. On a commencé à améliorer son fauteuil de manière bénévole. On a tellement bien travaillé qu’on a été repérés par l’ANS, qui nous a demandé plus de choses. »

« L’idée folle, qui était de partir sur la conception d’un fauteuil entier, a mûri à partir d’une quarantaine d’ingénieurs qui ont réfléchi sur le projet, souligne Toupé, champion du monde et d’Europe. Au bout de quatre ans, ils ont réussi à faire un fauteuil entièrement réglable qui, encore aujourd’hui, évolue avec ma pratique afin d’optimiser ma position. Pour moi qui n’ai pas d’abdos, pouvoir arrêter le fauteuil sans être déséquilibré, avec un bon grip pour pouvoir repartir dans l’autre sens, ça demande des compétences physiques mais aussi un matériel super bien réglé. »

Secret industriel

Les travaux effectués ne sont pas forcément évidents à saisir pour le béotien. Dans le cas de la championne du monde de para-aviron Elur Alberdi, ils ont abouti à la création d’un gant spécial afin que l’athlète basque ne relâche pas sa rame par gros temps, alors qu’elle ne peut utiliser que ses doigts mais pas son poignet droit, à cause d’une triple fracture ouverte.

Alexis Hanquinquant, quant à lui, s’était baladé en paratriathlon aux Jeux de Tokyo, avec près de 4 minutes d’avance sur son dauphin japonais Hideki Uda. Le Normand compte bien « continuer à avoir un temps d’avance » grâce à son talent couplé à l’expertise d’Airbus. L’objet de la recherche ? Optimiser le passage de la natation au cyclisme, avec la meilleure connexion possible entre la pédale et sa prothèse de la jambe droite.

Un peu vague, peut-être ? « On ne rentre pas trop dans les détails pour l’instant », répond Cyrille Mazure, responsable du paratriathlon à la Fédération. Dans l’aviation comme dans le sport, pas question de donner trop d’idées à la concurrence.