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Immeubles effondrés à Marseille : « Aujourd’hui, je réalise que ma tante est partie », confie le neveu d’une victime

« Voir des gens qui viennent nous parler, des anonymes qui viennent nous réconforter, ça fait chaud au cœur. C’est Marseille solidaire, ça. » Un peu à l’écart, sur le boulevard Eugène-Pierre à Marseille, des gouttes d’eau perlent sur les joues rondes de Philippe. L’émotion de sa sœur Martine, à ses côtés, est palpable, mais invisible, cachée par de grosses lunettes de soleil. Ces deux Marseillais ont perdu un membre de leur famille le 9 avril dans l’effondrement de plusieurs immeubles survenu rue de Tivoli.

Dans les médias, les journalistes l’ont appelé « Antoinietta Vaccaro », une femme âgée de 88 ans, qui habitait au premier étage du 17 rue de Tivoli, aujourd’hui disparu après une explosion. « Mais pour nous, c’était tatie Antoinette », corrige Martine. Après une semaine éprouvante, Martine et Philippe participent en ce dimanche midi à la cérémonie d’hommage aux huit personnes décédées, à l’invitation de l’association Marseille en colère.

« Elle n’était pas sénile »

« Je me sens mieux après cet hommage, confie Philippe. Jusqu’ici, je n’avais pas pleuré. Et aujourd’hui, les larmes me viennent. Je m’autorise enfin à pleurer. Je réalise que ma tante est partie. » « Le deuil sera long et difficile, abonde Martine. Aujourd’hui, je suis fatiguée. Vidée. » « Mais la mairie est avec nous, poursuit Philippe. Ils prennent tout en charge pour les obsèques. » Martine déplie une enveloppe adressée à son nom, avec à l’intérieur, une lettre de condoléances du maire de Marseille, écrite à la main : « Je voudrais remercier Monsieur Payan. Il m’a adressé des mots réconfortants qui m’ont touché. Quand j’ai lu sa lettre, les larmes ont coulé. »

Et de lancer : « Mais je suis en colère aussi. Depuis ce drame, j’entends dire que ma tante était sénile. Tous ces gens ne savent pas. Ma tante était joyeuse, vivante, dynamique, qui aimait la vie malgré un âge avancé. Elle n’était pas sénile. » Bruno Sinapi, le fils de la voisine qui habitait un étage plus bas qu’Antoinietta Vaccaro a porté plainte contre X pour « homicide involontaire ». Dans un témoignage recueilli par France 2, il accuse nommément la dame de 88 ans, qui, selon lui, « perdait la tête » et « avait des problèmes récurrents avec le gaz ». Et il met en cause les services sociaux, qui, prévenus, n’auraient rien fait concernant le gaz.

« Ce Monsieur cherche un fautif »

Du côté du Centre communal d’action sociale (CCAS) de la ville de Marseille, contacté par l’AFP en fin de semaine dernière, on confirme avoir été alerté par les parents de Bruno Sinapi, « inquiets de l’isolement social de Madame Vaccaro ». Et effectivement, une assistante sociale du service est venue chez elle, le 30 mars, en présence d’un bénévole des Petits frères des pauvres et de ses voisins du rez-de-chaussée. « Il a alors été convenu de mettre en place une aide ménagère, ainsi que de prévoir des travaux dans sa salle de bain, pour des questions d’accessibilité. Mais la question du gaz n’a jamais été évoquée » insiste-t-on au CCAS. 

Il y a une semaine, lors d’une conférence de presse, la procureure de la République de Marseille Dominique Laurens avait fait état de possibles « difficultés à se servir du matériel au gaz » de la part de l’octogénaire. « Quand on dit sénile, il faut peser ses mots, abonde Martine. C’était la doyenne de l’immeuble. Mais oublier le gaz, ça peut arriver à n’importe quel âge. » « Ce Monsieur cherche un fautif, lance Philippe. Il est dans le désarroi, comme tout le monde. Mais je n’ai aucune haine envers lui. Il est triste, comme nous. » A l’image d’une « boîte noire », l’analyse du compteur de gaz d’Antoinietta Vaccaro, retrouvé parmi les décombres, pourrait permettre de savoir s’il y a eu une consommation anormale de gaz dans les vingt-quatre heures qui ont précédé l’explosion.