France

Ile-de-France : La fusion de Saint-Denis et Pierrefitte va-t-elle inspirer d’autres villes ?

Le premier pas pour la fusion des communes Saint-Denis et Pierrefitte vient d’être franchi. Annoncé début avril, le vœu de création d’une commune nouvelle entre les deux villes de Seine-Saint-Denis a été adopté lors de conseils municipaux extraordinaires jeudi 20 avril. Forte de ses 150.000 habitants, la nouvelle commune sera la deuxième ville d’Ile-de-France, derrière Paris. Une position de force, qui devrait lui offrir des compétences renforcées. En pleine recomposition institutionnelle, notamment avec la métropole du Grand Paris en construction et avec le nouveau statut d’établissement public territorial (EPT) de Plaine Commune, ces villes se retrouvent au deuxième niveau d’intercommunalité.

« Les maires de Saint-Denis et Pierrefitte se disent sûrement que les décisions ne se prennent plus forcément au niveau municipal et qu’ensemble ils auront plus de poids », détaille Léo Fauconnet, chercheur de l’Institut Paris Région spécialiste des questions institutionnelles, et de réforme territoriale. « La commune nouvelle pèsera davantage dans les négociations avec l’Etat, les partenaires institutionnels et pour l’obtention de fonds européens », confirme le maire de Pierrefitte-sur-Seine, Michel Fourcade, dans un communiqué.

Face à un enjeu de recomposition territoriale qui touche l’ensemble des futures communes du Grand Paris, l’initiative de deux villes pourrait inspirer un regain d’intérêt pour la création de communes nouvelles, qui a perdu du rythme par rapport à la période 2016-2019.

« Pérenniser la vie de communes qui ne pouvaient plus fonctionner »

Mais cette perspective n’est pas si évidente. « D’abord, ce n’est pas dans ce type de territoire [les grandes communes] qu’on attend des projets de fusion », rappelle le chercheur de l’Institut Paris Région, qui se dit « surpris » de l’annonce.

La mesure reste d’abord une solution imaginée pour corriger la spécificité française d’avoir un (trop) grand nombre de petites communes sur son territoire (près de 35.000). Plus de « On a autant de communes en France que dans l’ensemble du reste de l’Union européenne », précise-t-il. Elle permet en théorie aux villes en manque de moyens ou avec trop peu d’habitants de se regrouper pour fonctionner ensemble.

« Si la fusion a aussi bien marché dans notre intercommunalité, c’est justement parce qu’on avait une complémentarité entre les communes en manque de terrains et celles en manque de moyens », explique Patrick Septiers, président de la communauté de communes Moret Seine et Loing (Seine-et-Marne). Au cours de son mandat, il a rassemblé cinq communes en une seule commune nouvelle. « Ce n’était pas la même logique que pour ces grandes villes, il s’agissait là de pérenniser la vie de communes qui ne pouvaient plus fonctionner seules », ajoute-t-il.

Prévues par une réforme territoriale datant de 2010, les fusions de communes connaissent un engouement vers 2015, motivé par « d’importantes aides de l’Etat », précise Patrick Septiers. Mais dans les faits, entre 2010 et 2022, seulement 2.500 communes se sont regroupées dans tout le territoire pour n’en former que 787. Désormais, l’Association des maires de France (AMF) ne recense plus que deux projets de fusion en cours en Ile-de-France, dont celui de Saint-Denis et Pierrefitte. « Le second se situe dans le Val-d’Oise entre Commeny et Gouzangrez » et comprendrait environ 700 habitants, détaille l’AMF. Pas question donc d’un projet politique.

Affirmer un leadership

Si d’autres grandes communes franciliennes se montraient intéressées par des projets de fusion, « ce serait surtout dans d’autres intercommunalités, qui ne fonctionnent pas bien, et où il y aurait le besoin d’affirmer un leadership », affirme le chercheur de l’Institut Paris Région. L’exemple d’Évry-Courcouronnes, où les deux communes ont pu profiter d’un poids politique plus conséquent, le démontre bien. « On s’est renseigné mais il ne semble pas y avoir d’autre mouvement en ce sens, assure la directrice générale de l’association Intercommunalités de France, Floriane Boulay. Mais il est possible que des maires y réfléchissent. »

« Je pense que les maires franciliens vont déjà essayer de faire fonctionner ce qui existe, à savoir les intercommunalités, estime, quant à lui, Léo Fauconnet. Il reste une forme de retard sur la question, encore plus que pour les communes nouvelles. » L’intercommunalité désigne les différentes formes de coopération entre communes. Et « penser commune nouvelle sans penser son positionnement dans l’intercommunalité » serait contre productif, complète Floriane Boulay. Un constat partagé par l’inspection générale de l’administration (IGA), dans son rapport publié en septembre 2022, et intitulé Les communes nouvelles : un bilan décevant, des perspectives incertaines.

Peu probable donc qu’une vague de communes nouvelles envahisse l’Ile-de-France. Ce dispositif est d’ailleurs est régulièrement mal accueilli par les habitants des villes concernées. A plusieurs reprises, à Boulogne-Billancourt et à Marne-la-Vallée, les projets de fusion entamés n’ont jamais été menés à terme. « Ce ne sont pas deux maires qui décident seuls, explique Floriane Boulay. Il faut réussir à créer un mouvement de la population en ce sens. » Un défi de plus pour ceux qui envisagent un tel projet.