France

Famille : Pourquoi la séparation des parents peut faire basculer leurs enfants dans la pauvreté

Comme si rompre avec son conjoint n’était pas assez douloureux. Encore faut-il apprendre à vivre avec moins, et parfois même beaucoup moins, quitte à entraîner ses enfants avec soi dans la pauvreté. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) qui paraît ce mercredi, un enfant sur cinq (21 %) vivait en 2019 en France sous le seuil de pauvreté (1.100 euros mensuels par ménage). Et le taux de pauvreté des enfants dont les parents s’étaient séparés dans l’année était bien plus élevé (29 %) que celui des enfants vivant avec leurs deux parents (13 %).

« Lorsque l’on vit seul, tout coûte plus cher. On ne peut plus partager le loyer, le coût du chauffage et le prix des courses. Et cette chute du niveau de vie est particulièrement manifeste l’année après la séparation, car les parents n’ont pas forcément eu le temps de solliciter les aides auxquelles ils peuvent prétendre », explique Anne Solaz, chercheuse à l’Ined.

Un risque de précarité accru quand les enfants sont petits

Plus les enfants sont petits au moment de la séparation, plus le risque de pauvreté est important. Ainsi, plus de 35 % des petits de 2 ans dont les patents viennent de rompre sont pauvres, contre 22 % des enfants de 13 ans. « Cela s’explique par le fait que davantage de parents de jeunes enfants étaient déjà en situation délicate avant la rupture, sans doute parce que certaines mères s’interrompent de travailler les premières années après la naissance », analyse Anne Solaz.

Autre constat : le risque de pauvreté est moins élevé pour les enfants dont les parents étaient mariés ou pacsés par rapport à ceux dont les parents vivaient en concubinage.

Moins de risques de pauvreté avec la garde alternée

Le mode de garde des enfants après la rupture est un facteur qui peut plus ou moins les protéger. Ceux qui sont en garde alternée ont ainsi moins de risque de tomber dans la pauvreté que ceux qui sont en garde exclusive chez un des parents. Une situation qui s’explique par la sociologie des parents optant pour la résidence alternée, car ils sont généralement plus aisés et souvent actifs tous les deux.

Mais aussi parce que les politiques publiques se sont adaptées. Ainsi, depuis 2003, il est possible de diviser la demi-part fiscale correspondant à un enfant, afin que chaque parent puisse en bénéficier dans sa déclaration d’impôt. Depuis 2007, il est possible de partager les allocations familiales, et depuis 2019, les aides au logement. « Ce mode de garde se développe d’ailleurs en France ces dernières années*, car l’idée que la parentalité doit être partagée s’est imposée avec le temps », constate Anne Solaz.

Ceux qui vivent en résidence alternée peuvent toutefois être confrontés à des écarts de niveaux de vie : 4 enfants sur 10 vivent la moitié du temps avec un parent qui a un niveau de vie supérieur de plus de 50 % à l’autre. « La prestation compensatoire n’existe qu’en cas de divorce, et elle n’est pas systématiquement demandée », constate Anne Solaz.

Ceux qui habitent tout le temps chez maman sont plus à risques

C’est lorsqu’ils résident en permanence chez leur mère que les enfants sont le plus fragilisés. Leurs conditions de vie s’en ressentent très concrètement car ils vivent souvent dans de petits logements, ont moins accès aux loisirs, reçoivent moins de cadeaux, partent moins en vacances. « Si les baisses de niveau de vie sont plus importantes pour les femmes que pour les hommes, c’est qu’elles occupent plus souvent des emplois à temps partiel et que 17 % des mères isolées sont au chômage après une rupture, contre 10 % des pères isolés », souligne Anne Solaz.

Autre explication : en 2019, selon l’agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa), quatre pensions alimentaires sur 10 étaient totalement ou partiellement impayées. Pour lutter contre ce fléau, depuis le 1er janvier 2023, la CAF se charge de collecter elle-même la pension alimentaire auprès du parent qui paie la pension, et la reverse directement à celui qui en est bénéficiaire.

Les beaux-parents en sauveurs ?

Fort heureusement, la précarité ne dure parfois qu’un temps. Si le niveau de vie des enfants l’année de séparation de leurs parents décroît de 15 % en moyenne, puis de 10 % l’année suivante, il finit par remonter les années suivantes. Surtout si l’un de ses parents ou les deux se remet en couple avec une autre personne.

Cinq ans après la rupture de leurs parents, un quart des enfants vivent avec un beau-parent, et leurs conditions de vie s’améliorent de ce fait. Un retour à une vie meilleure.