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Equipe de France féminine : « Un bébé dans un groupe, ça amène de la joie », apprécie Amel Majri

Cela faisait plus d’un an et demi qu’Amel Majri n’avait plus mis les pieds à Clairefontaine, la faute, d’abord, à une rupture du ligament croisé du genou gauche qui l’a longtemps tenu éloignée des terrains. Mais la milieu de terrain de l’OL a aussi profité de cette longue absence pour donner naissance à son premier enfant, une petite fille prénommée Maryam aujourd’hui âgée de neuf mois.

Et c’est accompagnée de son bébé qu’Amel Majri (30 ans) a fait son grand retour en équipe de France, devenant ainsi la première joueuse de l’histoire des Bleues à venir à un rassemblement avec son enfant. Avant les deux matchs de préparation au Mondial qui l’attendent, ce vendredi (21h10) face à la Colombie et mardi contre le Canada, la Lyonnaise a accepté de revenir pour 20 Minutes sur cette situation inédite ainsi que sur les nombreux changements qui ont eu lieu en équipe de France ces dernières semaines.

Vous avez fait sensation en débarquant avec votre petite fille à Clairefontaine. Comment s’est organisée sa venue ? Vous en avez parlé avec Hervé Renard au moment de votre sélection ?

Quand j’ai été sélectionnée, je n’ai pas été prévenue en amont. J’ai juste vu mon nom dans la liste, j’étais trop contente, mais je m’attendais à ce qu’un journaliste pose la question au sujet de ma petite fille au sélectionneur, ça ne s’est pas fait (rires). Donc je n’avais pas forcément d’infos, je ne savais pas comment ça allait se passer. Je sais que par le passé la question avait été soulevée avec Corinne Diacre et elle avait autorisé que la gardienne Manon Heil puisse venir accompagnée de son fils à Clairefontaine. On m’a dit que rien n’avait changé là-dessus, que je pouvais l’amener. Je ne vous cache pas que ça m’a fait énormément de bien d’entendre ça parce que ça m’enlèverait une charge mentale. Il n’y a pas une partie d’Amel qui est là, focus à Clairefontaine, et une autre partie en train de penser à autre chose. Je peux être focalisée à 100 % sur le terrain afin de donner le meilleur de moi-même, vu que derrière je sais que je vais retrouver ma fille et m’occuper d’elle.

Vous avez décidé d’avoir un enfant à la suite d’une longue blessure au genou, preuve que ce n’était pas une décision facile à prendre. On a l’impression que les mentalités mettent du temps à évoluer sur ces questions de maternité dans le sport de haut niveau, non ?

Oui, absolument. Personnellement, jusqu’à ma blessure, j’avais peur que ce soit mal perçu, peur d’être mise de côté ou de perdre ma place. C’est pour ça que cette décision d’avoir un enfant est venue à un moment où je savais que, quoi qu’il arrive, j’allais être indisponible pour mon équipe. Après, il y a aussi la question du retour à la compétition : s’absenter aussi longtemps d’un grand club comme l’OL et réussir à retrouver sa place, ça restait quand même un immense challenge. J’espère aujourd’hui que mon exemple donnera des idées aux joueuses et j’encourage celles qui le souhaitent à tomber enceinte pendant leur carrière. Mais il faut garder à l’esprit que ce n’est pas un choix simple et qu’il faut se battre deux fois plus derrière pour revenir au meilleur niveau. C’est un vrai combat. Revenir à ton meilleur niveau à l’OL, en passant des nuits à galérer, ce n’est pas évident (rires) ! J’ai dit à un moment donné que si c’était à refaire je ne le referai pas, mais j’ai changé d’avis depuis parce que c’est tellement beau de vivre ça qu’il ne faut pas s’en priver.

A Lyon, ça a l’air de bien se passer, votre fille vous suit aussi comme lors du déplacement à Turin mi-décembre en Ligue des champions ou du stage de fin d’année aux Sables-d’Olonne.

Oui, ça se passe bien même si c’était tout nouveau pour eux. Ils avaient eu le cas de Sara Björk Gunnarsdottir mais elle n’avait jamais emmené son enfant en déplacement. Donc il a fallu faire des réglages, tout le monde a appris sur le tas en fait. Ils m’ont dit qu’ils allaient m’accompagner pour que ça se passe au mieux, et j’ai ressenti la même volonté qu’en équipe de France de mettre l’athlète dans les meilleures conditions possibles.

Vous parlez de Sara Björk Gunnarsdotir mais, de son côté, tout ne s’est pas forcément bien passé. Elle n’a plus été payée pendant cinq mois et elle a fini par porter l’affaire devant la Fifa avant d’obtenir gain de cause. De votre côté, vous n’avez pas eu le moindre problème ?

Le problème avec Sara, c’était d’un point de vue financier, elle a été mise en arrêt maladie. Moi je n’ai pas été concernée par ça, en effet. De plus, j’ai vu qu’il allait y avoir une convention signée dans le football féminin en France dès la saison prochaine afin de régler cette question, pour qu’il n’y ait plus d’imbroglio, qu’on sache exactement comment fonctionner dans ce cas de figure. Tout devrait être mis en place pour que les joueuses ne perdent pas de salaire pendant leur grossesse, j’ai l’impression que ça va dans le bon sens. Ça aurait été bien qu’on n’ait pas à passer par ce genre de situation, mais espérons que ça serve d’exemple pour ne plus réitérer cela.

Et comment ça se passe pour Maryam depuis son arrivée à Clairefontaine ? Léa Le Garrec nous disait qu’elle avait tout de suite été adoptée par le groupe.

Oui, tout se passe super bien ! Léa, c’est ma voisine de chambre, elle m’a donc demandé si Maryam allait bien dormir la nuit et je l’ai rassurée sur ce point-là. Je lui ai dit que les filles de l’OL pouvaient en attester, elles qui la côtoient tous les jours au club. Après, c’est un bébé, quoi ! Si elle pleure, c’est normal, mais honnêtement elle est agréable à vivre, j’ai de la chance.

Comment ça se passe d’un point de vue organisationnel à Clairefontaine ?

Ma nounou me suit partout, que ce soit avec Lyon ou en équipe de France. Après, il reste encore pas mal de choses à planifier, à mettre au clair, vu que tout s’est fait hyper vite avec le coach. Mais il m’a fait comprendre que le but pour les prochains stages ou rassemblements, ça allait être d’améliorer un peu plus l’organisation autour de ma fille, son confort, ainsi que celui de la nounou. Pourquoi pas mettre une crèche en place si jamais il venait à y avoir d’autres enfants. Ce sont des choses toutes bêtes mais qui sont hyper importantes au final. On sent vraiment que le sélectionneur veut tout faire pour qu’on se sente le mieux possible et je ne pouvais pas espérer mieux.

Sera-t-elle du voyage en Australie cet été ?

Oui, oui ! Même si le vol sera long, de savoir qu’elle est dans le projet, c’est quelque chose d’énorme pour moi.

Ça peut devenir une sorte de mascotte, comme c’est le cas pour la fille d’Alex Morgan aux Etats-Unis ?

Il y a un peu de ça oui. Un bébé dans un groupe, ça amène forcément du sourire, de la curiosité et de la joie, on me la réclame pas mal depuis que je suis là : « elle est où ? Elle fait quoi ? ». J’ai des visites dans ma chambre en permanence, pas pour moi hein, pour elle, mais voilà je sens qu’il y a quelque chose de drôle qui se passe en ce moment. Je trouve ça super cool. Je partage mon enfant avec tout le monde ! J’ai l’impression que certaines sont curieuses, peut-être qu’elles se préparent ! Je leur ai demandé qui allait être la prochaine (rires). Après, à la différence d’Alex Morgan, qui met énormément son enfant en avant, dans des vidéos, sur les réseaux sociaux, moi je veux faire attention à ne pas tomber là-dedans, je veux la protéger d’une trop grande exposition.

Il y a deux, trois petites choses qui ont changé depuis votre dernière convocation en bleu, la fronde de certaines joueuses, le départ de Corinne Diacre, l’arrivée d’Hervé Renard. Quel regard portez-vous sur tout ce qui vient de se passer ? 

Ça va faire plus d’un an et demi que je n’étais plus venue en équipe de France, j’ai retrouvé un peu de temps de jeu il y a plus d’un mois, je n’avais donc qu’une envie, revenir en bleu. Pour le reste, j’ai vécu la chose de loin, même si je suis proche des Lyonnaises de l’équipe de France et qu’on discutait forcément de ce qu’il se passait. Mais honnêtement, j’étais focalisée sur ma rééducation, mon retour en équipe de France. Le reste passait un peu au second plan.

Vous étiez d’accord avec le message qu’elles ont porté ?

Je comprends tout à fait Wendie et les coéquipières qui ont voulu la suivre dans cette mise en retrait de l’équipe de France. C’est bien qu’elle ait pu exprimer son mal-être, ça traduisait quand même que quelque chose n’allait pas, c’était un signal d’alarme assez fort. Maintenant, voilà, un autre entraîneur a pris la relève, il ne faut pas trop regarder en arrière vu le très court laps de temps qui nous sépare de la Coupe du monde [du 20 juillet au 20 août en Australie et en Nouvelle-Zélande]. Il faut fermer la page du passé et en écrire une nouvelle.

Les joueuses ont été entendues, Diacre est partie. Y a-t-il une pression particulière sur les épaules du groupe désormais ? 

La pression a toujours existé en sélection. Et vu qu’on n’a toujours pas gagné de titres, on peut dire que la pression est toujours présente. Après, c’est sûr que quand on revendique des choses en public et qu’on les obtient, derrière on s’expose et, si se loupe, on peut se faire tacler. C’est normal. Maintenant, à nous d’assumer en essayant de réaliser une grande Coupe du monde cet été.

Comment décririez-vous le coach et son nouveau staff ?

On est encore dans la découverte, on apprend à les connaître, ils apprennent à nous connaître. On est dans l’échange et c’est déjà un bon premier point. Ils sont vachement dans tout ce qui a trait à la cohésion, l’unité, la vie de groupe. Ils appuient sur le fait que pour avancer, on a besoin des autres. Il faut que tout le monde soit bien autour de nous, parce que c’est bien beau d’être fort individuellement, sans les autres on ne peut pas avancer ou progresser. C’est vraiment le message que je ressors des premiers discours du coach. Lui et son staff sont déjà très exigeants mais en même temps très humains. Et puis ça fait du bien de voir quelqu’un qui vient dans le foot féminin en croyant vraiment en ce projet. Par le passé, on sait que d’autres coachs ont pu venir ici par défaut… Là, on ressent tout le contraire, il vit le truc à fond, il est super impliqué, et ça c’est primordial pour que le message passe auprès du groupe. On a envie d’aller à la guerre pour lui mais aussi de vivre cette Coupe du monde comme une belle aventure humaine.