France

Discrimination liée à la chevelure : Moqués au travail ou contraints à se couper les cheveux, nos lecteurs témoignent

Le sujet s’impose à l’agenda politique en pleines vacances parlementaires. Olivier Serva, député de la première circonscription de Guadeloupe (Liot) travaille sur une proposition de loi visant à reconnaître « la discrimination capillaire ». L’occasion pour nous de lancer un appel à témoignages sur le sujet. Une vingtaine de récits ont été rédigés par vos soins. Des femmes moquées pour leurs cheveux roux ou crépus, des hommes aux cheveux longs contraints de tacler les préjugés… Avec, pour certains, des conséquences directes sur leur vie professionnelle.

Face à la pression exercée par sa hiérarchie, Morgan, a fait face à un ultimatum : se couper les cheveux, ou arrêter son stage. « C’était mon premier stage en tant qu’étudiant infirmier en métropole, je suis Guadeloupéen et j’avais des dreadlocks qui m’arrivaient au milieu du dos, se remémore le jeune homme. Je m’attachais les cheveux comme l’exige le code vestimentaire pour un soignant. La cadre de service m’a convoqué au bout de deux jours exigeant que je coupe mes cheveux car « ma coupe de cheveux n’est pas propre » et qu’elle ne tolère pas ce genre de chose dans son service ». Pour poursuivre ses études, Morgan a été contraint de couper sa tignasse, qu’il portait depuis dix ans.

Couper ses cheveux pour obtenir un job

Même dilemme pour Mickaël. Agé d’une vingtaine d’années au milieu des années 2000, le jeune homme passe un entretien pour son premier travail, dans le milieu de l’ingénierie. Il porte les cheveux mi-longs, souvent attachés. « Lors de l’entretien d’embauche, on m’a demandé de me couper les cheveux pour que je puisse travailler avec eux. A l’époque j’ai longtemps hésité, je n’avais pas vraiment le choix et je le regrette encore un peu », déplore-t-il.

Pour d’autres, leurs coupes de cheveux ont entraîné les moqueries de leurs collègues. Avec ses boucles et ses longs cheveux détachés, Juanita a dû subir toute une série de surnoms dégradants : « champignon », « Roi Lion » et « tout un tas de réflexions déplacées ». Au travail, les collègues « s’amusaient à les toucher sans autorisation ».

Faire face aux remarques déplacées des collègues

« On n’est pas obligés d’avoir une couleur de peau spécifique pour subir de la discrimination capillaire, souligne Fabien, qui travaille dans la fonction publique. J’ai les cheveux longs et je porte des boucles d’oreilles (aux deux oreilles) depuis mes 20 ans. J’ai plus que régulièrement subi des discours discriminatoires autant à cause de ma queue-de-cheval que de mes boucles d’oreilles. Même quand vous êtes le plus compétent sur un sujet, on ne vous envoie pas dans certaines réunions avec les « pontes », parce que « vous comprenez, votre tête de loubard, ça ne fait pas sérieux » », poursuit le quinquagénaire, qui se dit favorable à une loi sur le sujet.

Parfois, les remarques de la direction fusent après plusieurs décennies de bons et loyaux services. Sa coupe jugée trop longue par la direction, Carl s’est adapté en optant pour des tresses afros. « Cela a été très mal pris au point de me le reprocher encore plus fortement ». Matthew, lui, n’a pas le souvenir d’avoir été victime de discrimination avec sa coupe afro. « Mais j’ai fait attention à ces questions. Je me suis toujours écarté de certains jobs où ça aurait pu être un problème », résume-t-il.

Pour Thierry, la problématique est autre. Ancien sans-abri arborant une crête « punk », il s’est ensuite rasé les cheveux. Son physique athlétique et sa coupe l’ont fait passer pour… Un skinhead, au point d’être souvent « pris à partie ». Il a aujourd’hui délaissé le crâne rasé pour « rassurer » et ne pas être « trop clivant ».

Véronique, blanche et blonde aux yeux bleus, souvent moqué pour ses cheveux frisés, résume finalement assez bien le débat. « Il faut rentrer dans le moule à tout prix ! C’est la dictature du cheveu lisse imposé, c’est épouvantable pour le moral au quotidien », s’exclame-t-elle, avant de dénoncer une « robotisation ».