France

« Des odeurs à vomir… » Ces grandes plateformes de compostage dans le pif des riverains

Ses petites filles ne jouent plus dans le fond de son jardin. Et il n’a « pas reçu d’amis de l’été » sur sa terrasse, tant « les odeurs sont à vomir ». Depuis dix mois, Jean-Louis et ses voisins de La Chapelle-sur-Erdre, au nord de Nantes, disent vivre « un cauchemar ». La faute, selon eux, à la nouvelle plateforme de compostage Terra ter qui s’est installée à une centaine de mètres des premières habitations de ce quartier résidentiel. « Cet été, ça pouvait sentir 24 h/24. Depuis le début de l’année, c’est moins fréquent mais il y a des odeurs pendant une heure ou deux, plusieurs fois par semaine, racontent-ils. Le pire, c’est quand ils déversent les bacs et qu’ils mélangent la matière, ça pue ! En fonction des vents, ça peut être terrible. »

Ecologiques, innovantes, indispensables pour valoriser de gros volumes de déchets verts et alimentaires, ces grandes plateformes de compostage se multiplient un peu partout en France. Mais dans certains cas, la cohabitation est difficile avec les riverains, comme la presse des quatre coins de la France en fait parfois écho : « Une société de compostage mise en demeure à cause de mauvaises odeurs dans l’Hérault », titrait France 3 Occitanie l’an dernier. « Plateforme de compostage à Langres : des odeurs incommodantes et persistantes », constatait le Journal de la Haute-Marne il y a quelques mois. En ce début 2023, c’est donc autour de Nantes que la moutarde monte au nez des voisins.

Le « faux départ » d’un « projet vertueux »

Ce vaste site de 7.000 m², qui se présente comme une plateforme de transit, reçoit quotidiennement des déchets alimentaires (récupérés majoritairement auprès d’établissements scolaires de la métropole) et des déchets verts, notamment ceux de la commune. Sur place, les employés sont chargés de les mélanger avant de transporter la matière dans les champs de huit agriculteurs partenaires, où elle se décomposera pendant plusieurs mois pour se transformer en compost ensuite utilisé pour enrichir le sol. Un « projet vertueux », en circuit court, si ce n’est que plusieurs manquements, dont certains liés aux nuisances olfactives, ont été relevés par la direction départementale de protection des populations (DDPP), demandant à la SCIC Nord-Nantes et son partenaire technique Compost in Situ de se mettre en conformité d’ici au 14 juin.

Le mélange déchets alimentaires et déchets verts broyés est effectué dans cette benne rouge
Le mélange déchets alimentaires et déchets verts broyés est effectué dans cette benne rouge – J. Urbach / 20 Minutes

« Un faux départ » reconnaît aujourd’hui Dana Pfeuty, le directeur du site, qui assure que 90 % des actions correctrices ont entre-temps déjà été menées. Plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été investis pour revoir complètement le process : la matière, auparavant déversée directement au sol, ne le touche plus et passe désormais dans une benne puis sur un tapis roulant où un dernier tri (pour enlever les éventuels couverts ou morceaux de plastique) est effectué manuellement. « Surtout, les jus ne sont plus stockés dans la fosse, mais récoltés dans une cuve hermétique, complète Ludovic Fabre, responsable du projet Terra Ter au sein de la SCIC Nord Nantes. Quant à la matière, elle arrive le matin et repart le soir. Nous avons amélioré la gestion des jus et des flux. » Une visite pour que le grand public puisse constater ces améliorations est prévue début mai.

Près de Pau, la plateforme déménage

Si les responsables sont confiants quant à la disparition des nuisances olfactives, avec l’ambition d’ouvrir quatre nouveaux sites ailleurs dans la métropole nantaise, les riverains sont plus circonspects, même s’ils admettent être moins incommodés ces derniers temps. Réunis en association regroupant une centaine de familles, ils redoutent une éventuelle montée en charge et le retour des températures plus estivales. Les relations semblant désormais tendues entre les deux parties, les seconds n’excluent pas de se pourvoir en justice. « Depuis le début, on nous ment, nous ne croyons plus en leur capacité à régler les problèmes », juge Jean Iemmolo, membre du collectif Respire à la Chapelle qui craint un « problème de santé publique » et ne voit plus d’autres solutions qu’un déménagement de l’activité.

Un changement de site, voilà ce qui devrait mettre fin à une longue bataille opposant les riverains de la plateforme de compostage de Lescar, près de Pau. Pendant dix ans, les restaurateurs et hôteliers de la plus grande zone commerciale de l’agglomération se sont plaints d’odeurs pestilentielles, multipliant les signalements. Il y a deux mois, la mairie de la commune, qui les a soutenus, a finalement annoncé avoir réussi à convaincre le site de déménager. « ll a fallu du temps, la mise en place de sentinelles, des modifications techniques non concluantes, pour que la communauté d’agglomération prenne les choses au sérieux, indique à 20 Minutes Valérie Revel, la maire de Lescar. Un nouveau terrain a finalement été trouvé, plus grand et surtout en plein champ ! » Le déménagement est espéré pour 2024.