France

Crash du Rio-Paris : Les proches des victimes « écœurés » par la relaxe d’Air France et d’Airbus

Au tribunal judiciaire de Paris,

La salle d’audience 2.01 du tribunal est pleine à craquer. Peu après 13h30, ce lundi, la présidente, Sylvie Daunis, entame la lecture de la décision dans un lourd silence. Quelques minutes plus tard, la magistrate prononce le mot que les parties civiles redoutaient tant : « relaxe ». Sur les bancs, où sont assis les proches des victimes, des larmes coulent.

Poursuivis pour homicides involontaires après le crash en 2009 du vol AF447 Rio-Paris qui a fait 228 morts, le constructeur européen Airbus et la compagnie Air France sont donc finalement mis hors de cause. La justice estime que, si des « fautes » ont été commises, « aucun lien de causalité certain » avec l’accident n’a « pu être démontré » lors du procès, qui s’est déroulé du 10 octobre au 8 décembre.

En revanche, le tribunal a jugé que ces « fautes » avaient conduit à une « perte de chance », c’est-à-dire à augmenter la probabilité que l’accident arrive. Il a donc déclaré Airbus et Air France « responsables civilement » des dommages subis.

Une décision incompréhensible pour les familles des 228 victimes de l’accident. « J’ai un sentiment d’injustice », déclare en larmes Ophélie Toulliou, qui a perdu son frère Nicolas. « On nous a dit qu’il y a des fautes de commises. Donc pour nous, il y a une incompréhension. Comment des sociétés peuvent commettre des fautes (…) et pour autant être relaxées ? J’ai beaucoup de mal à comprendre la justice de mon pays, ça n’a pas de sens. »

« C’est de l’impunité totale »

« Nous attendions un jugement impartial, ça n’a pas été le cas. Nous sommes écœurés », réagit Danièle Lamy, présidente de l’association Entraide et Solidarité AF447, qui a perdu son fils Eric, 37 ans, dans la catastrophe. « Les familles sont mortifiées, accablées, les mots me manquent », insiste-t-elle. « Il ne reste de ces 14 années d’attente pour nous, les familles endeuillées, que désespérance, consternation et colère. Le grand perdant, dans cette affaire, c’est la justice française. »

« Je suis écœurée », répète pour sa part Claire Durousseau, qui a perdu sa nièce de 26 ans et son mari de 27 ans. « Ils avaient une très belle vie devant eux. » Cette décision la rend « malheureuse ». « On y a tous cru, jusqu’au bout, jusqu’au moment où on est rentré dans la salle. Et malheureusement, on revient bredouille, nos morts ont été tués une deuxième fois ». « C’est de l’impunité totale », déplore-t-elle.

« On attendait le mot « coupable » »

Me Alain Jakubowicz, l’un des avocats de l’association Entraide et Solidarité AF447, reconnaît que « c’est un jugement difficilement compréhensible pour les familles ». « Cet accident n’est pas dû à la fatalité, il aurait pu être évité, dû être évité. Ce n’est pas la faute exclusive des pilotes. C’est ça que je veux qu’on retienne, », ajoute le pénaliste, soulignant qu’« Airbus et Air France sont responsables de ce drame, civilement mais pas pénalement ». « On nous dit qu’ils sont responsables mais pas coupables. Nous, on attendait le mot « coupable ». »

Son confrère, Me David Koubbi, estime que les parties civiles sont « en droit de ressentir de la colère puisqu’un catalogue extraordinaire de fautes a été retenu par le tribunal ». Il s’agit, dit-il, d’une décision de justice qui « devient un empêchement au deuil ». L’avocat estime toutefois qu’il existe « des raisons de se réjouir ». « Leur responsabilité civile a été retenue, cela veut dire que ces deux entités se retrouvent coupables d’avoir causé aux 228 victimes un dommage absolument irréversible. » Le tribunal a renvoyé la question de l’évaluation des dommages et intérêts à une audience le 4 septembre.