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Apprendre sous hypnose, est-ce vraiment plus facile et efficace ?

« Sous hypnose, apprenez facilement et rapidement les langues étrangères ». La télé allumée en fond sonore, une publicité vient nous chatouiller l’oreille et titiller notre curiosité. Hypnoledge, start-up bordelaise lancée en 2018 par trois spécialistes de l’hypnose thérapeutique, promet un meilleur apprentissage des langues grâce à l’hypnose. Anglais, espagnol ou encore mandarin serait plus facile à apprendre grâce à un état de conscience modifié, comparé à des cours de langues classiques.

Cette méthode fonctionne-t-elle vraiment ? Par quels mécanismes ? Et l’hypnose pourrait-elle favoriser l’apprentissage d’autres disciplines ?

Atteindre une hyperconcentration et optimiser la mémorisation

Apprendre, c’est un peu notre boulot durant l’enfance. Dès la naissance, on doit tout apprendre : à marcher, manger, parler. Puis à l’école, à lire, écrire, compter, parler l’anglais. C’est encore ce qu’on fait durant nos études, pour acquérir les connaissances nécessaires à un métier. A l’âge adulte, on continue à en apprendre tous les jours, mais dans une moindre mesure. Si bien que passé un certain âge, remettre le nez dans les bouquins, apprendre une langue étrangère et potasser ses leçons, c’est tout de suite plus compliqué.

C’est là que l’hypnose peut changer la donne. « On n’en a pas conscience, mais toute la journée, on est tous sous hypnose : notre cerveau est un comme un ordinateur, un super calculateur qui effectue une majorité de calculs de manière inconsciente, explique Gershon Pinon, psychologue, praticien en hypnose et fondateur d’Hypnoledge. Quand notre système conscient capte environ sept à dix informations par seconde, dans le même temps, inconsciemment, on traite des millions d’informations : on respire, on marche, gère notre équilibre, des opérations qui sont réalisées en dehors de notre champ de conscience ».

Ces mécanismes inconscients, le praticien a voulu les utiliser pour l’apprentissage des langues, « en faisant démarrer chaque cours par quelques minutes d’hypnose, pour faire entrer l’abonné dans un état de conscience modifié qui lui permet d’atteindre un niveau d’hyperconcentration, de capacité de mémorisation, donc de consolidation des connaissances, beaucoup plus fort, décrit Gershon Pinon. La personne n’est pas envoûtée ou inconsciente, juste plus réceptive. Là, on lui apporte de l’information – vocabulaire, grammaire, images – adaptée à ses connaissances, et elle s’en imprègne inconsciemment ». En pratique, « c’est assez impressionnant, confie Florent, coach sportif de 33 ans, qui a entrepris une remise à niveau de son anglais au mois de janvier. Au départ, j’ai cru à de l’hypnose façon Messmer, alors que non, on est en pleine conscience durant le cours : la séquence d’hypnose permet de se concentrer de manière plus profonde sur les mots, on fait abstraction de ce qu’il se passe autour, c’en est même assez déroutant au début ».

« Lever les freins psychologiques à l’apprentissage »

Mais l’hypnose ne sert pas qu’à aider les adultes à l’esprit un peu dissipé à se concentrer. « Il y a aussi tout un travail, fondamental, sur la dimension psychologique et émotionnelle de l’apprentissage, souligne Gershon Pinon. Beaucoup ont peur d’apprendre, manquent de confiance, de motivation, et n’osent pas parler en voyage de peur qu’on se moque d’eux. Autant de freins qui inhibent l’apprentissage d’une langue et sa pratique ». Mais « avec l’hypnose, on atteint cet état de conscience modifié où l’on n’est pas entravé par ces autoblocages conscients », abonde Valérie Roumanoff*, hypnothérapeute et autrice de la pièce « Ce n’est pas de votre faute ».

Pour « lever ces freins psychologiques à l’apprentissage, l’application propose, au-delà des cours de langues, tout un versant de « soft skills » sur le développement personnel, avec des « hypnokeys », des séances d’hypnose comme on pourrait en faire en cabinet, afin de traiter ces problématiques liées à la peur, au manque de confiance ou d’élocution, à la déstabilisation, ajoute Gershon Pinon. L’hypnothérapie permet d’apprendre à l’inconscient à associer une nouvelle émotion à ce qui faisait peur au départ ».

Une boîte à outils qui a bien aidé Florent. « Je n’avais pas le niveau pour faire des coachings en anglais, alors que j’avais de la demande. Mais je n’avais aucune envie de suivre des cours collectifs, ni la patience pour y consacrer un temps infini. Comme je suis très porté sur la psychologie, j’ai aimé la possibilité de débloquer des hypnokeys pour notamment se libérer de la peur de parler en public. C’est un cercle vertueux qui s’enclenche ».

« Parfois, les mots me viennent d’abord en anglais »

Et pour Florent, les résultats sont là : « Seul et sous hypnose, j’apprends beaucoup plus facilement, sans honte, sans personne pour se moquer comme c’était le cas en classe. Je me surprends à répéter les mots avec un super accent ! Et à retrouver du vocabulaire qui date de l’école alors même que ce n’était pas au programme de la leçon ». Comment ? « C’est un des grands principes de l’hypnose, : elle permet d’accéder à nos ressources personnelles parfois oubliées, et beaucoup plus importantes qu’on le pense », décrypte Valérie Roumanoff.

« La méthode, c’est d’éviter que le conscient traduise en français ; on ne veut pas que nos apprenants intellectualisent la langue étrangère – c’est précisément ce qui rend l’apprentissage difficile à l’âge adulte – mais qu’ils l’absorbent comme un bébé qui apprend sa langue maternelle, sans effort conscient de compréhension, de manière plus intuitive et interactive ».

A raison de trois cours d’une vingtaine de minutes par semaine, Florent a « vite vu la différence. Avant, j’étais accroché aux sous-titres quand je regardais une série en VO, et au bout d’à peine un mois, je pouvais m’en passer. Et aujourd’hui, je pourrais faire tous mes coachings en anglais, à tel point que pendant les cours, certains mots me viennent en anglais plutôt qu’en français, c’est assez fou ! Avec cette méthode, ça va à la fois beaucoup plus vite, et on sent que le savoir acquis est durable ».

« Les potentialités sont infinies »

Peut-on acquérir un savoir sous hypnose dans d’autres disciplines ? « Oui ! Pour tout apprentissage qui nécessite beaucoup d’informations sensorielles, et où la dimension psychologique a un fort impact, répond Gershon Pinon. A terme, j’aimerais développer des cours de musique : l’hypnose renforcerait le sens du rythme, l’éducation de l’oreille et le lâcher prise pour oser s’exprimer avec un instrument ». En pratique, « elle favorise la visualisation, renchérit Valérie Roumanoff. C’est utile aussi bien pour faire ses gammes de piano qu’en sport : des athlètes de haut niveau pratiquent l’autohypnose pour améliorer certains gestes très techniques. Les potentialités sont infinies ».

Notamment pour gérer son stress. « Avant un partiel ou un examen du permis, pratiquer l’autohypnose permet d’atteindre un état de détente et d’optimisation de nos potentiels, de ne pas être déstabilisé par ses émotions, ajoute Valérie Roumanoff. Le bénéfice est concret, d’autant que l’autohypnose s’apprend facilement ».

« L’hypnothérapie est assez puissante et pourtant mal connue, poursuit-elle. Beaucoup de patients la testent pour tout ce qui relève du comportement : arrêter de fumer, gérer ses fringales ou des insomnies. Ou encore pour surmonter une rupture sentimentale ou un deuil, pour puiser dans ses ressources et ainsi changer sa perception de la situation. On peut même être opéré sous hypnose ! »