France

Adieu les écouvillons ? Pour détecter les virus, un professeur se sert des mouchoirs usagés

C’est un instrument de torture qu’on aurait aimé ne jamais connaître. Mais voilà, la pandémie de Covid-19 est passée par là et il a bien fallu se résoudre à se faire curer le nez pour savoir si l’on était porteur ou non du virus. Avec en cadeau la désagréable montée de l’écouvillon dans nos narines. A moins d’être un peu masochiste, personne ne saute en effet de joie à l’idée de réaliser un test PCR et d’affronter ce long coton-tige.

Mais ce calvaire pourrait bientôt être un lointain souvenir. Chef du service de virologie au CHU de Rennes, le professeur Vincent Thibault vient de démontrer qu’il était possible de détecter des virus respiratoires sur des mouchoirs usagés. Autrement dit, plus besoin d’écouvillon pour dépister des génomes viraux. « On n’en est pas encore là mais c’est une première avancée », estime le chercheur. C’est sa passion pour la police scientifique qui l’a conduit à lancer ses travaux en 2018. « Je suis fasciné par le fait que les enquêteurs parviennent à détecter des fragments d’ADN sur des prélèvements vieux de plusieurs années », indique-t-il

Plus précis qu’un test PCR

Partant de là, Vincent Thibault s’est donc demandé s’il était possible de déceler des virus sur des mouchoirs usagés. Pour le savoir, il a d’abord fait les poches de ses proches pour se constituer un petit stock de mouchoirs qu’il a ensuite analysés. « A chaque fois, je parvenais à détecter des virus sur les mouchoirs », assure-t-il. Le chercheur a ensuite poursuivi l’expérience pendant un an auprès de la crèche du CHU et d’une école primaire. « J’allais chaque semaine récupérer mes mouchoirs usagés à vélo », s’amuse-t-il.

Le professeur Vincent Thibault a réussi à détecter des virus sur des mouchoirs usagés.
Le professeur Vincent Thibault a réussi à détecter des virus sur des mouchoirs usagés. – J. Gicquel / 20 Minutes

Et là encore, les résultats de ses analyses se sont montrés probants. Idem avec un groupe de volontaires atteints de la Covid-19. « Tous les mouchoirs de ces personnes ont permis de détecter le virus et dans deux tiers des cas, de manière plus tranchée qu’un test PCR », indique le chercheur. Son étude mise à l’arrêt avec la crise sanitaire, les résultats viennent d’être publiés le mois dernier dans la revue scientifique américaine Emerging Infectious Diseases. « Cela prouve tout le sérieux de mon approche », se félicite le professeur Vincent Thibault.

Un test à plus grande échelle en projet

Une fois le brevet déposé, il va désormais s’attacher à trouver des financements et des partenaires pour mener un test à plus grande échelle. « Il faut optimiser la technique de récolte et d’analyse des mouchoirs pour la rendre industrielle », indique le professeur. Si les résultats se confirment, son approche pourrait alors être mise en pratique. Et donc sceller le sort des écouvillons.

« C’est sûr que ce n’est jamais très agréable pour le patient, reconnaît-il. L’avantage du mouchoir, c’est aussi qu’on évite d’exposer les professionnels de santé au virus car on n’a qu’à se moucher chez soi et envoyer son mouchoir par courrier pour analyse. » A terme, Vincent Thibault aimerait aussi que sa découverte permette de faire baisser la consommation d’antibiotiques « qui sont inefficaces contre les virus. »