Belgique

Procès des attentats : derrière les victimes, il y a « les victimes collatérales de l’ombre »

Sous le choc mais physiquement épargnée, elle a eu le courage de ne pas fuir et de rentrer dans cette deuxième voiture éventrée. Un acte courageux mais qui va la poursuivre toute sa vie. « J’aperçois d’autres corps à l’intérieur. J’entends des râles, des gémissements… Mais qui est mort ou vivant ?« 

Elle soulève « des choses lourdes, comme une fenêtre« , pour dégager une victime, elle « parle à une femme » « Ses yeux sont ouverts, mais ils semblent vides, dit-elle. Je continue à chercher des vivants dans l’enchevêtrement de fer et de restes humains. L’odeur me donne envie de vomir… »

Devant la cour d’assises, Christelle Giovannetti témoigne de manière très narrative, posée et structurée. L’enfer qu’elle a vécu sous terre, elle aurait pu y échapper en partie. Mais son courage l’a appelée à y rester… Alors qu’elle tente finalement de sortir de la station, elle se sent prise au piège au niveau de la mezzanine. « La fumée était remontée, explique-t-elle. La peur me remonte comme au début. Il n’y a personne, je crie ‘au secours’. Durant de longues minutes, je réalise le sens de la terreur dans le mot ‘terrorisme’. »

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Crise d’angoisse

À l’hôpital, elle se dit « qu’ils avaient gagné et qu’ils avaient semé la terreur » en elle. Elle sortira le soir même et retournera en voiture avec son mari. « J’ai eu ma première crise d’angoisse en passant dans un tunnel. Dans les jours qui ont suivi, j’étais ailleurs… »

Dans sa tête, ce sont toutes les images de l’attentat qui repassent, tous ces regards vides, ces blessés et un flot de questions permanent. « Je voulais remettre de la vie sur ces visages. Comment allaient les blessés, les brûlés ? Je me sentais seule et inutile. Et toujours avec ce sifflement qui prenait de la place.« 

Depuis ce 22 mars 2016, elle estime que les terroristes ont « pris [s]on insouciance et un peu de confiance ». « Depuis le 22 mars 2016, j’ai cessé de faire des rencontres. C’est grâce à d’autres victimes que j’ai pu dépasser mes peurs et mes angoisses. »

L’ouïe endommagée

Christelle Giovannetti s’en est sortie presque sans égratignure. Mais l’explosion a sévèrement endommagé son ouïe. « On m’a dit que la perte auditive serait définitive, que l’acouphène ne cesserait peut-être jamais… » Son quotidien a été bouleversé par les conséquences de l’explosion. « À 30 ans, j’ai porté un appareil auditif. Un repas entre amis me demande tellement d’attention que ça me fatigue. Le quotidien bruyant me ramène à ce kamikaze. »

« La menace terroriste en Belgique n’a pas disparu »

« Mon mari a sacrifié sa passion »

Christelle Giovannetti reprend son souffle lorsqu’elle évoque son entourage proche. « Mon mari a sacrifié sa passion de la musique et des concerts par respect pour mes angoisses. Il y a aussi mes enfants à qui je demande sans cesse de faire moins de bruit. Je me sens démunie de ne pas les entendre appeler ‘maman’ la nuit…« 

Son mari et ses deux enfants, elle les appelle « les victimes collatérales de l’ombre« . Mais la famille continue à aller de l’avant.

Au terme de ce témoignage, la présidente souhaite à Christelle Giovannetti un « bel avenir. Avec le troisième… » sourit-elle lorsque la maman se lève et dévoile son ventre rebondi. Toutes les pages ne sont pas tournées, mais d’autres chapitres sont encore à écrire dans sa vie post-attentats de Bruxelles…