Belgique

Mais que contient ce “Canon flamand” autant décrié qu’attendu ?

Le Canon flamand, une bible culturelle au parfum identitaire, est prêt

60 faits marquant sur 500 en lice

Présenté mardi à Genk, en présence du ministre flamand de l’Enseignement Ben Weyts (N-VA) et du ministre-Président et ministre de la Culture Jan Jambon (N-VA), l’ouvrage, qui paraît ce mercredi avec six mois de retard, se penche sur l’identité flamande et donne un aperçu des éléments essentiels de l’histoire, de la culture et de la société du nord du pays. Lors du lancement du processus, en 2019, le gouvernement flamand avait annoncé que, suivant l’exemple néerlandais, il souhaitait travailler sur un Canon flamand, “une liste de points d’ancrage de la culture, de l’histoire et des sciences flamandes”. Un comité d’experts indépendants, dirigé par le professeur émérite Emmanuel Gerard (KU Leuven), a été nommé et travaille sur le Canon depuis la fin du mois d’octobre 2020.

Selon les neuf experts en charge de sa préparation, le Canon indique “ce qui est suffisamment important pour être lu, écouté, vu ou connu par une communauté particulière”. Le Canon fournit un aperçu chronologique avec 60 thèmes jugés suffisamment importants pour être retenus sur une liste d’environ 500 faits en lice. Chaque thème est élaboré à l’aide d’une accroche et de deux points focaux. Par exemple, le thème de l’humanisme est abordé via une référence à Érasme, puis le protestantisme et l’art de l’imprimerie.

« Une instrumentalisation politique de l’histoire pour flamandiser encore plus » : le « canon flamand » de la N-VA décrié par des historiens

Outre des moments et des personnages célèbres, comme la bataille des éperons d’or, en 1302, ou Pierre Brueghel, des noms moins connus sont également passés en revue, comme Pedro de Gante, un moine qui, au XVIe siècle, fut l’un des premiers témoins flamands des ravages causés par les colonisateurs européens au Mexique. L’art flamand est présent, bien sûr, mais le Canon mentionne les noms des œuvres plutôt que leurs auteurs, Rubens, Van Eyck, Brueghel, Ensor…

Fenêtre 53 consacrée à la culture… francophone

Le Canon ne se limite pas à des faits historiques. La culture, l’économie et la langue y occupent une place de choix. L’histoire se taille la part du lion, naturellement. Tongres, Charlemagne, les iconoclastes, Le Lion de Flandre, la tour de l’Yser, l’euro… Mais on y trouve également le Rock Werchter comme vitrine de la culture flamande des festivals ou le Tour de Flandre cycliste. Le canon étonne quelquefois en mentionnant la pilule et la révolution sexuelle, le mariage gay ou encore les livres de cuisine (Ons Kookboek), incontournables.

Surprise, surprise… : à la fenêtre 53, on prend un bain de culture bien belge même si l’angle demeure… flamand. On y trouve Jacques Brel, “ce Flamand qui parle français”, qui aima et chanta les ciels mouillés et gris de la mer du Nord et de l’Escaut “une des plus belles odes aux paysages flamands” mais “qui entretenait des relations plus compliquées avec les Flamands.” Le Canon met en exergue la culture francophone en Flandre (Maeterlinck, Verhaeren, Rodenbach, Eekhoud). La colonisation du Congo est évoquée mais le Canon flamand fait l’impasse sur la montée de l’extrême-droite dans le nord du pays et, dans un autre registre, sur la culture brassicole flamande. En revanche, il mentionne de grandes figures féminines telles que Emilie Claeys (la révolution sociale au 19e siècle) ou, encore, Paula Semer, présentatrice à la télé, fenêtre sur le monde.

Le « canon flamand », un exercice historique qui prend du temps

À qui s’adresse le Canon ?

À qui s’adresse le Canon ? Selon le comité d’experts, “au public le plus large possible”. Le ministre Ben Weyts voit clairement des opportunités pour le Canon dans l’enseignement primaire et secondaire, toutes disciplines confondues ou presque, et dans les parcours d’intégration pour les nouveaux arrivants. Dans les secteurs du tourisme, de l’intégration et du patrimoine, le Canon flamand peut être une source d’inspiration. L’initiative est durement critiquée par des historiens qui y voient un instrument pour les nationalistes flamands au service du “combat anti-Belge”. À leurs yeux, il s’agirait d’amener en douceur une politique permettant d’élargir l’identification à la Flandre et de saper l’attachement à la Belgique.