Belgique

Les écolos foncent-ils vers une catastrophe électorale de plus ?

Le parti s’est constitué au début des années 80 autour de la lutte contre le nucléaire et voilà qu’Écolo participe à la majorité fédérale – la Vivaldi – qui a prolongé la durée de vie de deux réacteurs. L’impérialisme russe a eu un second effet sur les verts : la mise en sourdine de leur pacifisme historique, autre doctrine fédératrice balayée par le retour de l’histoire en Europe.

Pas le choix, le gouvernement De Croo a dû livrer des armes à Kiev et s’engager à augmenter ses dépenses militaires afin d’atteindre les exigences de l’Otan (2 % du PIB). Ces contorsions politiques pourraient déplaire à une partie de l’électorat de base du parti dirigé par Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet.

Le pacifisme d’Écolo a évolué : analyse

Bien entendu, les concessions que leurs ministres ont dû accepter au sein du gouvernement fédéral indiquent également le pragmatisme dont ils sont capables. En préservant l’indépendance énergétique de la Belgique et en défendant la démocratie face à la dictature poutinienne, les écolos se sont placés du bon côté de l’histoire. Mais les électeurs leur rendront-ils grâce pour cette attitude réaliste ? On peut en douter. Les écologistes pourraient même perdre une part de leur base militante la plus fidèle, déboussolée par ces revirements.

Écolo, la politique “comme les autres” ?

Comme si cela ne suffisait pas, ces deux dernières semaines, Écolo a été mis sur le gril au sujet d’une autre de ses valeurs fondatrices : la bonne gouvernance, l’exigence éthique de ses mandataires. Sarah Schlitz a démissionné mercredi mais cet épisode laissera des traces. Et sera, on l’imagine aisément, exploité par les adversaires des verts lors de la campagne de 2024 : avec Écolo, ce n’est pas “la politique autrement” mais c’est la politique “comme les autres”…

Il est vrai que l’ancienne secrétaire d’État à l’Égalité des chances et son entourage n’ont pas été clairvoyants dans l’affaire du “logogate”. Lorsque la N-VA a commencé à pointer l’utilisation abusive de son logo personnel, Sarah Schlitz aurait sans doute dû réagir fortement et faire la totale transparence sur ces pratiques. À la place, elle s’est enfermée dans des explications peu convaincantes et a tenté de rester en place. Pour l’image d’Écolo, ces entorses à ses standards de bonne gouvernance sont destructrices.

Dans la panique qui a saisi son cabinet, des comparaisons inacceptables ont en outre été diffusées sur les réseaux sociaux. Certains militants voyaient dans le travail du député Sander Loones (N-VA), à l’origine des révélations du logogate, un parallèle à établir avec les nazis… Ce parlementaire de l’opposition jouait pourtant son rôle démocratique. Face au scandale qu’a suscité cette contre-attaque en dessous de la ceinture, Sarah Schlitz a dû présenter ses excuses.

Les verts doublés par le PTB

De même, dans les révélations en série sur le gonflement discret des pensions des parlementaires, ce n’est pas Écolo qui a incarné la lutte pour une moralisation de la vie publique, mais le PTB. Les verts ont été doublés par ce parti “antisystème” et ne peuvent plus prétendre être à la pointe du combat en faveur de l’éthique en politique.

Le PTB va profiter des scandales entourant les bonus de pension des députés.

Ce qui n’arrange rien, les ministres Écolo, au niveau fédéral, sont en manque de visibilité. Sans doute est-ce lié à la faible consistance de leurs portefeuilles ministériels. Georges Gilkinet est vice-Premier ministre mais n’a “que” la mobilité dans ses compétences fonctionnelles. Zakia Khattabi, comme ministre du Climat et de l’Environnement, a du mal à exister face à ses homologues régionaux qui disposent des leviers d’action concrets dans ses matières.

Conscient de ces failles qui pourraient déboucher sur une défaite cuisante aux élections de 2024, l’état-major d’Écolo, dans son discours, insiste sur son horizon politique : la transition écologique et une économie tournant avec de l’énergie à 100 % renouvelable. Politiquement, cet idéal peut mobiliser. Mais il se situe sur le long terme et apparaît dès lors comme très théorique.

On le sait, les écolos perdent toujours les scrutins qui suivent leur participation au pouvoir. Arriveront-ils à déjouer cette malédiction ? Pour l’instant, ils abordent cette année préélectorale dans de très mauvaises conditions.