Belgique

Les chômeurs contre les millionnaires : les discours du 1er mai donnent le coup d’envoi à la campagne électorale

Tout a commencé en fin de semaine lorsque le président de Vooruit (les socialistes flamands), Conner Rousseau, s’en est pris aux chômeurs de longue durée, considérant qu’il faudra les forcer à accepter un “job de base” sous peine de voir supprimer leurs allocations. Venant de la gauche flamande, la proposition a de quoi irriter la gauche francophone. D’autant que ces déclarations ont été reprises par le Premier ministre en personne. Alexander De Croo (Open VLD) a ainsi salué dimanche à Blankenberge devant des militants de son parti, la sortie de Rousseau. “Le problème n’est pas que les épaules les plus solides ne portent pas assez. Notre vrai problème, c’est le manque d’épaules. C’est là que se situe la véritable inégalité dans notre pays, l’inégalité entre ceux qui participent et ceux qui ne veulent pas travailler. Nous devons avoir le courage de dire, en cette fête du travail, qu’il n’y a pas de honte à travailler. La vraie honte, c’est d’aller travailler tous les jours et de gagner moins que ceux qui ne le font pas”.

L’édito de La Libre: la fracture du 1er mai

”Les sortir de leur assistanat”

Et au MR, Georges-Louis Bouchez y est allé aussi de son refrain sur le chômage et le travail. “L’acte de solidarité ce n’est pas de payer des allocations, l’acte de solidarité c’est de travailler pour chacune et pour chacun”. Il demande aux fidèles électeurs socialistes de donner “une chance” à son parti lors des prochaines élections. “Les libéraux vont les sortir de leur assistanat pour leur donner les outils pour développer leur vie, pour atteindre leur bien-être, ce qu’ils estiment être leur bonheur”.

Du côté des socialistes, Paul Magnette, le président, s’exprimait lundi à Charleroi. Et il a évidemment rebondi sur les déclarations émanant de la droite après avoir rappelé, notamment, les mesures que son parti a défendues au sein du gouvernement fédéral et la volonté du PS de taxer les plus-values. “Il faut aussi avoir le courage politique de dire qu’en tant que socialistes, on défend toutes les travailleuses et tous les travailleurs, y compris ceux qui sont sans emploi. Ce n’est pas toujours facile quand on voit le discours ambiant, quand on voit le discours entretenu par la droite, le patronat, une certaine intelligentsia conservatrice qui attaque systématiquement les malades, les invalides, les chômeurs, les pensionnés considérés comme un coût insupportable pour la société”.

”Leader de la droite flamande”

Et le Premier ministre Alexander De Croo en a pris personnellement pour son grade, se voyant reprocher de tenir des propos “qu’on attendrait dans la bouche du leader de la droite flamande”. Magnette n’accepte pas que celui-ci oppose “les travailleurs avec et sans emploi”. Il considère aussi que “quand on est Premier ministre, on se met au-dessus de la mêlée et on essaye de défendre l’intérêt général. Quand on est Premier ministre, on respecte l’accord de gouvernement. Ce point n’est pas dans l’accord de gouvernement, et donc nous n’en parlerons pas, punt aan de lijn”.

C’est là que se situe la véritable inégalité dans notre pays, l’inégalité entre ceux qui participent et ceux qui ne veulent pas travailler

Et puis, il y a le PTB, l’ennemi de tous. Magnette s’est bien gardé de parler de lui, préférant ignorer dans son discours jusqu’à son existence. Au MR, par contre, on a reproché aux socialistes d’avancer avec la “boussole de Raoul Hedebouw”.

Le président du PTB était justement à Bruxelles pour son discours du 1er mai. Ici on ne tape pas sur les chômeurs non plus, mais sur les ultra-riches. “Je pense notamment aux 37 milliardaires de notre pays. Je parle des 1 % de la population belge qui possèdent au total un patrimoine de 662 milliards d’euros. 662 milliards ! On n’a jamais connu une telle concentration de richesses dans notre pays. Ni dans le reste du monde, d’ailleurs. Et dans tous les projets de réforme fiscale discutés au gouvernement, on n’entend pas un mot là-dessus. Il est grand temps de se tourner vers ces gens aux épaules les plus larges.”

Sur les 37 milliardaires de notre pays, pas un seul ne paie la taxe sur les comptes-titres. C’est la raison pour laquelle elle rapporte si peu

Hedebouw, comme son homologue socialiste, invite le gouvernement à s’attaquer aux plus-values mais fustige la taxe sur les comptes-titres dont le PS fait un trophée. “Sur les 37 milliardaires de notre pays, pas un seul ne paie la taxe sur les comptes-titres. C’est la raison pour laquelle elle rapporte si peu”.

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Écolo n’a pas voulu être en reste. C’est via un communiqué de presse des coprésidents Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet que le parti s’est exprimé. Le sujet ? Le travail bien entendu. “Plutôt que la politique de la gifle, qui semble revenir à la mode, nous voulons appliquer la politique de la main tendue vers les publics les plus éloignés du travail. La pression professionnelle grandissante a pour effet de conduire un nombre toujours plus important de travailleuses et de travailleurs vers le mal-être et les maladies de longue durée. Cela ne fait que renforcer les difficultés budgétaires de la sécurité sociale”. Et le parti y va de sa proposition : “Jusqu’à 300 euros net supplémentaires pour les travailleuses et les travailleurs en début de carrière ! C’est ce que propose Ecolo, plutôt qu’un retour au travail forcé”.

Éviter d’être le perdant

Que donneront ces différentes invectives et agressions dans les semaines et mois qui viennent ? Concrètement, il ne faut pas s’attendre à voir l’une ou l’autre des propositions évoquées le 1er mai devenir une réalité. Les partis bandent leurs muscles en vue des prochaines élections qui n’auront lieu que dans un an, rappelons-le. Cela veut-il dire que les gouvernements en place ne vont plus travailler d’ici au scrutin ? Sans doute pas, mais il y a fort à parier qu’aucun accord majeur ou basculant en matière de fiscalité ou de travail ne sortira des palabres des uns et des autres. Les forces en présence vont tenter par tous les moyens possibles d’éviter d’apparaître comme des perdants et de laisser un concurrent gagner quoi que ce soit. Il suffit de voir comment le changement de position d’Ecolo sur le nucléaire se retourne contre eux. Il ne se passe pas une semaine sans que le président du MR n’en fasse une petite victoire personnelle.