Belgique

Le Vlaams Belang, un nid d’espions ? Une grosse tuile tombe sur l’extrême droite flamande à six mois des élections

Jeudi après-midi, un coup de théâtre a ouvert la réunion plénière de la Chambre : le député fédéral Steven Creyelman (VB) a démissionné de la présidence de la commission des Achats militaires, qui examine des dossiers classés “secret-défense”. Il n’avait pas suffisamment informé son parti et son président, Tom Van Grieken, des contacts qu’il avait eus avec son frère en lien avec la Chine, selon le communiqué du Belang. Devant les parlementaires, la cheffe de groupe du VB à la Chambre, Barbara Pas, a donné le dernier coup de poignard en évoquant une “rupture de confiance” vis-à-vis du député.

Dries Van Langenhove (Vlaams Belang) démissionne de son mandat de député

Un frère sous influence chinoise

Pour rappel, l’ex-sénateur Frank Creyelman (VB), le frère de Steven, s’est fait acheter par un espion chinois pour exercer son influence au profit de Pékin. Cette information a été révélée la semaine dernière par plusieurs médias internationaux. Frank Creyelman a notamment informé à plusieurs reprises un contact au ministère chinois de la sécurité d’État qu’il consulterait son frère, Steven Creyelman, député fédéral. Ce fut le cas, par exemple, lorsque l’agent secret demanda en mars 2021 de faire pression pour que l’Union européenne et la Chine reconnaissent mutuellement leurs passeports de vaccination contre le Covid.

Mardi, la conférence des présidents de l’assemblée a demandé en urgence à la Sûreté de l’État un rapport sur l’influence qu’auraient pu avoir Frank Creyelman et son contact chinois sur Steven Creyelman. Un courrier a été adressé au Comité R, organe de contrôle des services de renseignement. La suite du dossier sera examinée au sein de la commission de suivi du comité R.

Des conséquences diplomatiques

Sur le plan politique, il y aura également des conséquences diplomatiques, même s’il est probable que la Belgique restera prudente à l’égard de la Chine afin de préserver ses intérêts économiques. Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a toutefois déclaré, à la Chambre, qu’” il n’est pas possible que notre système démocratique soit manipulé de cette manière, nous n’acceptons pas cela de la part d’une puissance étrangère”. Le chef du gouvernement belge a assuré qu’il transmettra ce message aux dirigeants politiques chinois. Il rencontrera en effet le président Xi en janvier.

Si cette affaire devait s’envenimer ou traîner en longueur, de révélation en révélation, c’est la stratégie de normalisation du Vlaams Belang qui serait mise à mal. Le parti de Tom Van Grieken souhaite lisser son image afin de pouvoir, un jour ou l’autre, arriver au pouvoir en rentrant dans une coalition gouvernementale avec d’autres partis. À la manière du Rassemblement national en France, le VB tente de faire oublier son douteux ADN. Avec difficulté. Au sein de la formation flamande, les anciennes gloires telles que Filip Dewinter plombent ce mouvement. Ce dernier fait d’ailleurs l’objet de soupçons sur des relations troubles qu’il entretiendrait avec le régime chinois et la Russie poutinienne.

Frank Creyelman n’était pas le seul à informer des espions chinois : un autre membre du Vlaams Belang a aidé un espion à s’implanter en Belgique

La rivalité avec la N-VA

Promis à un triomphe électoral par tous les sondages, le VB risque de voir se brouiller l’image respectable à laquelle il aspire. Des électeurs pourraient se détourner d’un parti jugé sous influence étrangère. Au-delà des résultats dans les urnes, la corruption de certains élus VB par la Chine pourrait également refroidir ceux qui, à la N-VA, espèrent un “Grand soir” nationaliste lors du scrutin du 9 juin.

Une coalition N-VA/Vlaams Belang pourrait en effet obtenir une majorité au nord du pays. Mais le parti de Bart De Wever aura-t-il intérêt à donner les clefs de la démocratie flamande à des mandataires d’extrême droite suspectés de défendre les intérêts d’une dictature communiste ? Dans une interview début décembre, le président de la N-VA avait estimé qu’une collaboration avec le Vlaams Belang ne bénéficierait pas énormément à son parti.

L’influence chinoise, qui projette un halo de doute autour de Belang, devrait pousser au contraire la N-VA à taper sans relâche sur son rival électoral jusqu’aux élections afin de l’affaiblir le plus possible. Le phénomène est bien connu : les grands succès de la N-VA ont été obtenus grâce au siphonnage des voix du VB… Et ça, Bart De Wever le sait bien.

Pourquoi le Vlaams Belang fait de l’indépendance de la Flandre un enjeu électoral de premier plan