Belgique

« Le système actuel est condamné » : Farm for Good propose un modèle alternatif pour soutenir les agriculteurs et leurs terres

C’est une réflexion qui a déjà été menée à Havelangue, en pleine campagne condruzienne, dans les locaux de l’ASBL Farm for Good. Cette coopérative rassemble d’une part des agriculteurs belges porteurs d’une volonté de développer une agriculture durable, pour la plupart biologique, et d’autre part des industriels et transformateurs agroalimentaires soucieux de proposer des produits issus d’une collaboration éthique avec les agriculteurs.

”Le point de départ, c’est toujours la ferme, la terre, le patrimoine de l’agriculteur, explique Donatienne van Houtryve, CEO de Farm for Good. Le problème de l’agriculture intensive, c’est qu’elle finit par appauvrir les sols. Avec les années, les rendements sont moins bons. L’agriculteur accuse des pertes. On va alors l’accompagner vers une production agricole plus résiliente, plus durable.”

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Vingt-cinq centimes de plus pour un pain local et durable

En quelques années, les demandes d’accompagnement par les agriculteurs ont explosé. En 2020, la coopérative rassemblait 4 agriculteurs. Aujourd’hui, ils sont 72, pour un total de 5600 hectares de terres utilisables. Si le monde agricole se bouscule au portillon de Farm for Good, c’est parce que la coopérative s’occupe des négociations avec les industriels et garantit un revenu décent à chaque agriculteur, même en cas de récoltes moins fructueuses certaines années.

”Notre objectif est de remettre tout le monde autour de la table et de valoriser les produits et les métiers de chacun. On veut ramener de la transparence sur toute la chaîne de concertation agroalimentaire”, précise Donatienne van Houtryve.

Mais pourquoi les industriels joueraient-ils le jeu, eux qui doivent alors payer plus cher pour se fournir en matières premières ? “On est convaincu qu’il s’agit de l’avenir de l’agriculture, répond Olivier De Cartier, CEO de Copains Group, une PME de boulangerie-pâtisserie qui travaille avec Farm for Good et dont les produits sont vendus dans toute la Belgique. Actuellement, un pain belge sur 10 seulement est produit avec du froment belge. Ça n’a pas de sens. On voulait relocaliser la filière. On travaille à 100 % avec du froment belge, produit en agriculture durable.”

Sur l’article final acheté par le consommateur, l’impact est de l’ordre d’environ 25 centimes supplémentaires par rapport au même pain produit à partir de froment étranger. “C’est une décision à prendre, précise Olivier De Cartier, mais on pense que ça permettra de porter l’entreprise à long terme.”

Êtes-vous prêt à payer plus cher pour mieux rémunérer les agriculteurs ?

Réorganiser notre résilience alimentaire

Dès 2025, les entreprises de plus de 250 personnes seront en effet tenues de faire du reporting non-financier, c’est-à-dire de publier des informations concernant toute une série d’aspects concernant l’entreprise, comme le bilan carbone ou la provenance des matières premières. Les consommateurs seront ainsi mieux informés des pratiques en vigueur dans les entreprises dont ils sont les clients.

À côté de la question de l’image de l’entreprise, Donatienne van Houtryve note aussi que les distributeurs agroalimentaires auraient tout intérêt à se tourner vers un modèle différent. “L’industrie doit jouer le jeu. Si elle pousse les agriculteurs à l’intensivité, c’est toutes les terres qui finiront par s’appauvrir. Les rendements ne seront plus suffisants pour remplir les rayons. À terme, le système actuel est condamné. Alors qu’en valorisant le métier, les produits, les sols, on réorganise notre résilience alimentaire.”

Comment faire, concrètement ? “Éviter les monocultures, prévoir des rotations. Sur une même parcelle, prévoir pendant 6 ans de changer régulièrement la plantation : une fois un oléagineux, une fois une céréale, etc. Ça apporte tous les nutriments nécessaires au sol, qui va ensuite être reboosté et produire des aliments de meilleure qualité, tout en gardant lui-même un bon rendement.”

Au sein de la coopérative, les productions de tous les agriculteurs sont rassemblées et vendues aux industriels partenaires qui peuvent compter sur le respect de leurs cahiers de charge et sur la stabilité des livraisons. Tout est revalorisé et tous les agriculteurs sont protégés contre les aléas liés à la météo. Farm for Good ne cache pas son ambition et son souhait d’étendre ses partenariats à l’avenir.