Belgique

« La politique, c’est chiant, mais on est à un tournant de l’histoire et ça vaut la peine de m’investir »

La raison pour laquelle je fais de la politique, c’est pour léguer un monde un peu meilleur à mes enfants. Après avoir vendu ma boîte (Medi-Market), j’aurais pu rester dans l’entrepreneuriat. Si je ne l’ai pas fait, ce n’est pas par plaisir de faire de la politique, parce que c’est chiant de faire de la politique… Ça vous prend toute votre vie, vous vous faites insulter sur les réseaux sociaux. Il n’y a aucun plaisir. Mais j’ai choisi de me lancer parce que j’ai envie d’être utile. Et comme parlementaire, je pense que c’est au niveau européen que je peux avoir le plus d’impact. Je suis convaincu qu’il faut changer le système, et le changer à la racine, c’est-à-dire au niveau européen. Et puis, je ne voulais pas être bruxello-centré. J’ai envie de faire campagne partout en Wallonie et à Bruxelles, ce que je pourrai plus facilement faire en me présentant à l’Europe.

Yvan verougstraete , vice president du parti les Engagés
Yvan Verougstraete. ©cameriere ennio

Changer le système depuis le Parlement européen, c’est compliqué. La politique européenne est édictée en grande partie par les gouvernements des États membres.

Je pense que ça se joue aux deux niveaux. Je vois des gens inspirants dans d’autres pays, comme Raphaël Glucksmann (eurodéputé français du groupe socialiste, NdlR). La Commission européenne est dans un entre-deux : être le bon élève du libre-échange ou porter une mondialisation 2.0 dans laquelle on impose un coût carbone à chaque produit, on protège notre modèle social, on réindustrialise, on acquiert une autonomie stratégique dans toute une série de secteurs… Si on est plusieurs à pousser dans ce sens, on a une petite chance d’y arriver. Après, c’est sûr que les gouvernements gardent un pouvoir prépondérant.

Serez-vous candidat ministre si Les Engagés montent dans un gouvernement après les élections de 2024 ?

Non. Mais je suis candidat à travailler sur l’accord de gouvernement, si Maxime Prévot (président des Engagés, NdlR) le veut. J’ai travaillé sur les plans de transformation portés par Les Engagés – plan climat, plan fiscal et emploi. Si demain, on doit préparer un accord de gouvernement, j’espère aller à la table des négociations pour peser le plus possible. Et le fait de me présenter à l’Europe n’empêche pas d’endosser ce rôle.

guillement

L’un des problèmes de la politique, c’est que le système pousse à la polarisation, pousse à venir avec des symboles parce que c’est plus simple à expliquer.

Quels sont les partenaires privilégiés des Engagés pour les prochains gouvernements ?

On verra en fonction de l’arithmétique électorale au soir des élections. La dynamique ne sera sans doute pas la même au fédéral que dans les Régions. En Wallonie, le PTB risque de continuer à monter, ce qui est catastrophique. Qu’est-ce qu’on fera s’il est le premier parti ? Ils devront avoir la main. Je préfère éviter les conjectures.

Cela fait quasi un an et demi que vous vous êtes lancé en politique. Quelle expérience en tirez-vous ?

D’abord, le temps politique est un temps long. C’est parfois frustrant. Ensuite, la dynamique politique est assez bizarre. Si je débats avec un socialiste et un écolo, par exemple, même si on est d’accord sur 90 % des choses, on va pointer les 10 % sur lesquels on n’est pas d’accord. Dans une entreprise, on fait juste l’inverse. C’est l’un des problèmes de la politique. Le système pousse à la polarisation, pousse à venir avec des symboles parce que c’est plus simple à expliquer. Écolo va dire : “Nous, c’est le renouvelable”. Le MR : “Nous, c’est le nucléaire”. Mais en fait, c’est : et le renouvelable, et le nucléaire, et la diminution de la consommation, et, et, et…

Vous ne dressez pas un tableau très flatteur de la politique. Pourquoi continuez-vous ?

Parce que je suis convaincu que c’est indispensable. Je suis convaincu qu’on est à un tournant de l’histoire. Crise sociale, crise environnementale, la guerre à nos frontières… C’est maintenant que l’on doit faire des choix pour léguer une situation un peu meilleure à nos enfants. Et je suis convaincu que cela passe par le politique. L’être humain est un coopérateur conditionnel. Si je demande à l’un de mes enfants de débarrasser le lave-vaisselle, il va me demander si son frère l’a fait la veille. En fait, son problème, ce n’est pas de débarrasser le lave-vaisselle, mais de savoir si c’est juste. Au plus profond de nous-mêmes, nous avons tous ce besoin de justice. Or il n’y a que l’État qui peut garantir cette justice et qui peut agir de manière normative. Le changement va passer par des règles. Je pense que l’être humain est prêt à changer, mais à condition que tout le monde change. Je trouve que ça vaut la peine de m’investir et de prendre le problème à la racine, au niveau européen.