Belgique

Koekelberg féminise le nom de quatre rues : “Ce n’est qu’un début”, prévient Ahmed Laaouej

Nous lançon un processus : nous allons féminiser des noms de rue et ce n’est qu’un début. J’espère faire des émules dans d’autres communes. Koekelberg sera pionnière par l’ampleur de la démarche”, nous indique Ahmed Laaouej (PS), bourgmestre de Koekelberg et président du PS bruxellois.

Si nommer de nouvelles rues d’un nom féminin n’est plus chose si rare ces dernières années, cela l’est davantage quand il s’agit de débaptiser et de renommer des voiries existantes.

Le conseil communal de Koekelberg doit en effet voter ce lundi soir le changement de nom de quatre rues de la commune, ou plutôt de morceaux de rue, qui porteront le nom d’une femme. La commune espère que les changements seront effectifs pour la rentrée de septembre.

À Bruxelles, 7 % de rues avec un nom féminin

En Région Bruxelles-Capitale, seules 7 % des rues qui portent le nom d’une personne portent celui d’une femme, selon EqualStreetNames.brussels. Et en Wallonie, si tous les bourgmestres wallons ont reçu une circulaire ministérielle les appelant à attribuer davantage de noms de femmes aux voiries et lieux publics, la parité reste aussi très éloignée.

Voilà deux ans qu’on réfléchit à la féminisation de l’espace public à Koekelberg, rejoignant les demandes d’institutions comme Brulocalis et le conseil des femmes francophones. Nous avons fait le choix de le faire en mettant en place d’abord un conseil de féminisation, qui a identifié des voiries à rebaptiser et des noms de femmes qu’on pourrait solliciter. Nous avons essayé de cultiver le lien historique avec Koekelberg, sans s’y enfermer”, reprend Ahmed Laaouej.

Bruxelles - Koekelberg: Ahmed Laaouej (PS) - Bourgmestre de la commune de Koekelberg et Chef du groupe parlementaire PS la Chambre des reprsentants
©JC Guillaume

Actuellement, seuls une rue (la rue Elisabeth) et un lieu public (le parc Elisabeth) portent des noms féminins à Koekelberg. Le choix des rues posé par la commission de féminisation, assez consensuel, devrait leur éviter les éventuels procès en wokisme que seraient tentés d’instruire leurs opposants.

En pratique, la rue Herkoliers (du numéro 83 à 97) deviendra la rue Renée Douffet, une résistante qui a vécu à Koekelberg, et a sauvé une amie juive de la déportation.

La rue des Braves (de 1 à 20) sera transformée rue des sœurs Brontë, du nom des auteures célèbres qui ont vécu à Bruxelles au début des années 1840.

Une partie de la rue de l’Armistice (14 à 20) deviendra la rue Gisèle Halimi, en hommage à la célèbre avocate et militante féministe.

Une autre partie de la rue de l’Armistice (1 à 13), où se situe l’usine Godiva, sera rebaptisée rue Gemba, du nom d’une Congolaise “exposée” dans le zoo humain de Tervuren, lors de l’exposition universelle de 1897.

guillement

« Il y avait 266 Congolais dans ce zoo humain. Il faisait mauvais, il pleuvait. Les organisateurs avaient accepté que ces Congolais restent à l’intérieur mais la population bourgeoise a revendiqué de les voir, à l’extérieur »

”Il y avait 266 Congolais dans ce zoo humain. C’était l’été mais il faisait mauvais, il pleuvait. Les organisateurs avaient accepté que ces Congolais restent à l’intérieur mais la population bourgeoise a revendiqué de les voir, à l’extérieur, relate Robert Delathouwer (Vooruit), conseiller communal à Koekelberg, qui participe au projet de féminisation de l’espace public.

La fraîcheur et l’humidité de l’été belge seront fatales à ces sept personnes du groupe. Elles seront enterrées au “Geuzenhoek (le coin des gueux), dans une fosse commune en bordure du cimetière qui jouxte l’église de Tervueren.

Il ne reste de l’une de ces victimes, Gemba, qu’un acte de décès très succinct. L’adresse actuelle (rue de l’armistice) qui figure sur les ballotins de pralines que Godiva exporte dans le monde entier sera bientôt remplacée par le nom de cette jeune femme, née au Bas-Congo autour de 1872,

Ahmed Laaouej y voit une manière d’adresser un message sur “le passé colonial” de notre pays.

Il s’agit aussi d’une réponse symbolique à l’échec des discussions visant à rebaptiser le boulevard Léopold II. La proposition formulée à l’époque par Catherine Moureaux (PS), bourgmestre de Molenbeek, n’a jamais abouti. Les autorités bruxelloises se sont finalement rabattues sur le tunnel Léopold II, rebaptisé Annie Cordy.

Symboliquement, à la fin du boulevard Léopold II, vous aurez une rue Gemba”, résume Robert Delathouwer, ancien secrétaire d’État bruxellois à la Mobilité.

guillement

« Si on fait disparaitre Léopold II de l’espace public, quelle mémoire va-t-on conserver du passé colonial de la Belgique, qui très mal enseigné?« 

”Le sujet du boulevard Léopold II divisait les gens, avec des arguments valables des deux côtés. Nous avons préféré poser un acte de pédagogie active, qui doit rassembler”, souligne encore le bourgmestre de Koekelberg. “À titre personnel, j’ai une opinion négative du passé colonial. Prenez Godefroid de Bouillon, qui est place royale. Ce n’était pas un tendre, c’était la première croisade et le massacre de Jérusalem. Mais si on enlève sa statue, qui se souviendra encore de lui ? Si on fait disparaître Léopold II de l’espace public, quelle mémoire va-t-on conserver du passé colonial de la Belgique, qui très mal enseigné ?

Une cinquantaine de familles est concernée, au total par ce changement de noms, qui les contraindra à effectuer des démarches administratives, dont le changement d’adresse. “Il y a une série de démarches que nous ferons pour eux, notamment auprès du registre national”, reprend Ahmed Laaouej. “Et il y aura un accompagnement de la commune pour ce qui est du suivi postal et pour identifier les personnes et organisation à contacter pour le changement d’adresse”.