Belgique

Salaire, maladie, vacances, pension…: malgré les rapprochements, l’harmonisation des statuts ouvrier et employé reste un chantier titanesque

« Ils ont une autre philosophie de travail que les ouvriers belges »: pourquoi y a-t-il autant d’étrangers dans la construction ?

Le secteur pétrolier n’est pas le seul à être engagé dans cette voie. L’agriculture et l’horticulture ainsi que l’ameublement et la transformation du bois ont fait de même. Et de nombreux autres secteurs avancent vers cette harmonisation, selon le rapport du SPF Emploi sur les résultats de la concertation sectorielle 2021-2022.

Malgré ces avancées, on reste loin d’un statut unique pour ouvriers et employés dans notre pays. Un grand pas en avant avait pourtant été effectué le 1er janvier 2014, avec l’entrée en vigueur du statut unique en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence. Tenu par un arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 juillet 2011, le gouvernement de l’époque avait été obligé de supprimer les différences entre ouvriers et employés sur ces deux points.

Manuel vs intellectuel

Dans son projet de loi, la ministre de l’Emploi, Monica De Coninck (SP.A), rappelait alors que la loi de 1978 relative aux contrats de travail décrivait le travail ouvrier comme principalement d’ordre manuel et le travail employé comme principalement d’ordre intellectuel. Une distinction qui remonte aux origines du droit du travail belge. Au fil du temps, le contexte social et économique s’est toutefois modifié, ce qui a rendu la distinction de plus en plus malaisée. Un phénomène accentué par les avancées technologiques, nombreuses étant les fonctions qui font autant appel à l’effort intellectuel que manuel.

Pour autant, les statuts d’ouvrier et d’employé diffèrent toujours à de nombreux égards, analyse aujourd’hui Alexis Fellahi, juriste à la Confédération des syndicats chrétiens (CSC).

Une série d’harmonisations

Certes, les délais de préavis ont été harmonisés. Depuis 2014, en cas de licenciement, un ouvrier comme un employé aura un préavis d’une semaine si son ancienneté est inférieure à un mois, de trois semaines avec une ancienneté de 3 à 4 mois, de 4 semaines avec une ancienneté de 4 à 5 mois, de 45 semaines s’il a 15 ans d’ancienneté,… Si c’est le travailleur qui démissionne, le préavis durera maximum 13 semaines, qu’il soit ouvrier ou employé. Parallèlement, la période d’essai (dont la durée différait selon les statuts) a été supprimée. En contrepartie, rappelle Alexis Fellahi, la durée du préavis avait été diminuée en début de relation de travail.

L’harmonisation s’est également faite via la suppression, pour les ouvriers, du jour de carence (premier jour de maladie non payé par l’employeur).

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Et toujours des différences

Au rayon des chantiers qui restent à mener, le juriste de la CSC pointe d’abord la question du salaire garanti. Un employé qui tombe malade voit son salaire entièrement payé par son employeur durant le premier mois d’incapacité de travail, alors qu’un ouvrier dans le même cas, est payé à 100 % par son employeur la première semaine, puis à 85 % la 2e semaine et enfin à 25 % la 3e et la 4e semaine, avec une intervention complémentaire de la mutuelle.

Autre point de divergence, le paiement du salaire. Traditionnellement, un ouvrier perçoit deux paiements par mois alors qu’un employé n’en perçoit qu’un. Certains secteurs ont toutefois harmonisé les choses.

La question des vacances annuelles divise également ouvriers et employés. Les ouvriers paient une cotisation de 1 % sur leur pécule de vacances. Ce n’est pas le cas des employés. Par ailleurs, ce sont les caisses de vacances (l’Office national ou les caisses sectorielles) qui paient le pécule des ouvriers, tandis que l’employeur paie celui des employés. En outre, l’ouvrier reçoit en une seule fois son pécule et son double pécule de vacances alors que l’employé reçoit son double pécule en mai mais son simple pécule à chaque fois qu’il prend un jour de congé. “Quand un ouvrier prend beaucoup de congés d’un coup, il reçoit beaucoup moins sur son compte”, déplore M. Fellahi.

Le deuxième pilier de pension génère également des différences : les pensions complémentaires sont plus avantageuses pour les employés. Certains secteurs tentent cependant de les harmoniser.

On le voit, la fusion des commissions paritaires et l’harmonisation des statuts ouvrier et employé sont des chantiers titanesques. Les différences de statut entre ouvriers et employés semblent avoir encore de beaux jours devant elles.