Belgique

« Il a été perdu par son ego »: le gouvernement bruxellois n’a rien fait pour sauver Pascal Smet ; la pression est désormais maximale sur Hadja Lahbib

Maire de Téhéran à Bruxelles : alors que certains exigent sa démission, le sort de Pascal Smet ne tient qu’à un fil

La pression est encore montée d’un cran, avec les révélations jeudi de l’invitation lancée également à une politique russe, vice-maire de Kazan.

Le sujet a été abordé ce même jour en gouvernement bruxellois. Les échanges avec les autres ministres ont été brefs. Pascal Smet devait filer au sommet… Ses collègues lui ont toutefois clairement marqué leur mécontentement et fait savoir que la majorité ne le soutiendrait pas vendredi, au Parlement bruxellois. Car, excepté le ministre-président Rudi Vervoort (PS), les autres ministres avaient soigneusement été tenus à l’écart du sommet. Le message, en substance : débrouille-toi, Pascal.

Vendredi au Parlement bruxellois, le socialiste a dû faire face à un feu croisé de tous les partis. Ses explications, et les documents qu’il a divulgués, n’ont convaincu personne et n’ont fait que déforcer sa position.

Sa démission n’est toutefois pas, nous dit-on, le fruit d’une demande des autres partis de la majorité ni du gouvernement. Malgré les propos très durs des députés Martin Casier et Marie Nagy, le PS et Défi n’avaient pas formellement lâché Pascal Smet, tandis que la religion des Verts n’était pas encore faite.

L’heure de vérité était attendue ce mercredi, avec une réunion extraordinaire de la commission. Pascal Smet, déjà sorti par la petite porte de l’affaire Uber, n’aura finalement pas tenu jusque-là. Son cabinet a réalisé ce week-end, dit-il, que les nuits d’hôtel du maire iranien et de la vice-maire de Kazan avaient été payées par les autorités bruxelloises.

C’était intenable politiquement.

Pascal Smet sera donc remplacé, sans doute dès ce vendredi. Cet ancien du Commissariat général aux Réfugiés, tombé amoureux de Bruxelles, porte avec lui une vision politique très aiguisée, des convictions fortes, une personnalité très particulière, et des avis tranchés. Cela peut plaire, ou déplaire… Ce départ pourrait, in fine, apaiser quelque peu les dynamiques, parfois très conflictuelles, en cours au gouvernement bruxellois.

À court terme, cette démission, de facto contrainte, déforce l’ensemble de l’exécutif et en particulier le PS, avec qui Pascal Smet faisait très souvent front. La crédibilité du gouvernement de Rudi Vervoort, déjà écornée, en prend un coup.

Pascal Smet démissionne : “Je n’ai pas commis de faute personnelle. Mais j’avais un problème moral. Il s’agit de l’argent des citoyens”

Cela n’a pas empêché le ministre-président de lui rendre un hommage appuyé. “C’est aussi un camarade de route et d’action que je perds et que je regrette. Je remercie Pascal Smet pour ses années d’engagement. Je lui souhaite beaucoup de courage. Je sais qu’il consacrera encore son énergie au service de nos concitoyens”, a assuré Rudi Vervoort dans un communiqué.

Certains ont la dent plus dure. Car Pascal Smet ne tombe pas sur un dossier qui faisait figure de priorité pour le gouvernement bruxellois. Sa grande réforme urbanistique semblait par ailleurs mal embarquée, à un an des élections. “Pascal Smet, avec ce sommet, a voulu faire quelque chose à sa gloire, pour exister. Il a réalisé beaucoup de choses dans sa carrière. Mais sur ce sommet, il a été poussé par son ego, c’est ça qui l’a perdu. Il a voulu jouer au ministre des Affaires étrangères et au secrétaire général de l’ONU, en organisant un évènement diplomatique”, pointe une source politique bruxelloise.

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C’est aussi un camarade de route et d’action que je perds et que je regrette. Je remercie Pascal Smet pour ses années d’engagement. »

Le nom de la Schaerbeekoise Hannelore Goeman, députée flamande et ancienne députée bruxelloise, circule pour le remplacer au sein du gouvernement. Ans Persoons, échevine de l’Urbanisme et des Espaces Publics à la Ville de Bruxelles, apparaît comme une autre piste crédible.

Pour les socialistes flamands, le coup de massue tombe particulièrement mal, alors que les difficultés privées de leur président Conner Rousseau pourraient plomber l’ensemble de Vooruit.

Pascal Smet est l’unique figure de proue du parti dans la capitale. On voit mal la liste comment one.brussels.vooruit, déjà exsangue, pourrait ne pas en souffrir à Bruxelles. Le parti compte trois élus au Parlement bruxellois. Le député Fouad Ahidar a été exclu du bureau de parti, tandis qu’Hilde Sabbe, que Pascal Smet remplacera au Parlement bruxellois, siégeait comme indépendante.

Les regards se tournent désormais vers le gouvernement fédéral et Hadja Lahbib (MR), qui devra s’expliquer à nouveau ce mercredi devant la Chambre. Pour le MR, l’affaire est close. “Smet a d’abord chargé les Affaires étrangères, puis Metropolis (co-organisateur du sommet), et enfin son collaborateur de cabinet. Le responsable a pris ses responsabilités”, glisse une source libérale.

Les socialistes, mais aussi Défi, entendent cependant mettre une pression maximale sur la ministre fédérale des Affaires étrangères qui a délivré le visa. Mais aussi rendre la monnaie de leur pièce au MR. “La démission de Pascal Smet est un acte responsable […] qui devrait en inspirer d’autres si l’honneur de notre pays compte un peu pour eux…..”, a tweeté Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois.

Ecolo risque également d’avoir la dent dure, sans parler des partis d’oppositions. “Elle ne peut rester en place”, a déclaré Bart De Wever, président de la N-VA sur Twitter.

La ministre Lahbib dit respecter la décision du Secrétaire d’État et se dit prête à répondre aux questions des députés.

Sa ligne devrait rester la même : charger Pascal Smet. Il n’est pas exclu qu’elle évoque aussi le rôle joué par Nicole de Moor (CD&V), secrétaire d’État fédérale à la Migration, pour le rôle joué par l’Office des étrangers. Une certitude : cela va tanguer mercredi.