Belgique

En Belgique, les droits humains respectés « sur papier » mais pas pour tous les citoyens

Parmi les points d’inquiétude soulevés par l’Institution demeure la question des jugements à l’encontre de l’État belge que les pouvoirs publics n’exécutent pas. « On estime que plus de 8.500 jugements en lien avec la crise de l’accueil des réfugiés n’ont pas été exécutés. La Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ‘la carence systémique’ des autorités à exécuter les décisions judiciaires en matière de la crise d’accueil, à la suite du recours d’un demandeur d’asile guinéen demandant un logement et une assistance matérielle pour faire face à ses besoins élémentaires », souligne Martien Schotsmans. « Quand le pouvoir exécutif ne respecte pas les décisions du judiciaire, c’est extrêmement inquiétant dans un État de droit. »

En juin, l’État belge et Fedasil avaient également été condamnés par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles pour leur gestion de la crise migratoire et l’arrêt rendu soulignait que « la non-exécution de condamnations antérieures porte atteinte aux fondements de l’État de droit ».

La question de la surpopulation en milieu carcéral inquiète également l’IFDH, qui collabore sur cette matière avec le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP).

L’Institut souligne que l’État a déjà été condamné à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme en raison des mauvaises conditions de détention auxquelles avaient été soumis des détenus (arrêt Vasilescu). En outre, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté l’an dernier une résolution intérimaire exprimant sa profonde préoccupation quant à la détérioration de la situation dans les prisons belges et appelé à prendre des mesures urgentes.

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« Le dernier plan d’action de la Belgique ne répond pas suffisamment à ces recommandations. Les autorités n’ont pas pris assez d’initiative afin de résoudre la surpopulation carcérale. Il y a cette idée selon laquelle créer plus de capacité va résoudre le problème mais ce n’est pas le cas, plus on augmente la capacité, plus on augmente la population dans les prisons », estime la directrice de l’IFDH, en renvoyant vers des études présentées par le CCSP. « L’État met la responsabilité de la réduction de la population carcérale sur les prisons alors que la solution doit venir des services de la Justice et de la façon dont les peines sont exécutées. »

L’Institut appelle également le gouvernement belge à ratifier le protocole facultatif de l’Onu se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant. « Ce protocole prévoit, notamment, la mise en place d’un organisme indépendant qui effectue des visites préventives dans les centres de détention afin de dresser un état des lieux des conditions de détention », explique Martien Schotsmans. Interrogé par Belga, le gouvernement, par la voix du SPF Affaires étrangères, a confirmé qu’il s’était engagé à ratifier ce protocole facultatif.

De façon générale, si la directrice de l’IFDH estime que les droits humains sont « presque » tous présents « sur papier » en Belgique, elle rappelle que plusieurs catégories de la population n’en bénéficient pas de la même manière que l’ensemble des autres citoyens. L’Institut a identifié trois groupes plus vulnérables pour lesquels des mesures devraient être mises en place: les personnes internées dans les annexes psychiatriques des prisons, les demandeurs d’asile et les personnes en situation de précarité.

Autre grief formulé à la Belgique par plusieurs institutions, dont le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme: l’absence d’un plan interfédéral contre le racisme. Une réalité que déplore également Unia, service public indépendant de lutte contre la discrimination et de promotion de l’égalité des chances. « Chaque région, sauf la Flandre, et le Fédéral disposent d’un plan contre le racisme mais l’absence de plan interfédéral complique les choses. Il est clair que s’il y a une réelle volonté politique de lutter contre le racisme, l’impact sur la société sera plus fort », explique Véronique Ghesquière, responsable du service politique et monitoring chez Unia.