Belgique

« Comment voulez-vous vivre en détention à domicile avec 625 euros par mois? C’est un pousse-au-crime! »

« Georges-Louis Bouchez: « Il faut envoyer une facture aux détenus »

Première précision: il ne s’agit pas d’argent qui vient du SPF Justice, mais des Communautés (française, flamande et germanophone) qui, en vertu de la sixième réforme de l’Etat, sont en charge des maisons de Justice et du suivi de la surveillance électronique depuis janvier 2015.

Pas le minimum de moyens d’existence

Ce qui est correct, c’est que la circulaire de la ministre de la Justice (Laurette Onkelinx , PS) de 2007 reste d’application pour cette « ‘allocation entretien détenu » (se loger, se nourrir, s’habiller). A l’époque, la détention électronique en était à ses débuts. Pourquoi avoir imaginé cette aide spécifique? Parce que les personnes sous surveillance électronique (une modalité d’exécution de la peine de prison) sont considérées comme des détenus, un statut qui ne permet pas d’accéder au revenu d’intégration sociale (RIS) du CPAS. Il avait alors été convenu d’accorder aux personnes détenues à domicile et qui n’avaient pas le minimum de moyens d’existence une somme équivalant à peu près au RIS.

Les montants étaient respectivement de 417 euros par mois (pour un cohabitant) et de 625 euros par mois (pour un isolé).

En toutes lettres

Aujourd’hui, ces montants n’ont pas bougé. Ils n’ont pas été indexés depuis 15 ans. Et ils sont nettement moindres que les montants du RIS qui ont eux suivi l’évolution du coût de la vie et s’élèvent aujourd’hui à 750 euros pour un cohabitant et à 1 115 euros pour un isolé. « Comment voulez-vous vivre avec 625 euros par mois? C’est impossible! C’est un vrai pousse-au-crime », s’exclame un professionnel du milieu carcéral.

Certains jugent qu’il faut relever ces montants si on veut viser la réinsertion sociale des (ex)détenus. Le Plan de lutte contre la pauvreté et pour la réduction des inégalités sociales (2020-2025) – dont le ministrre-président francophone, Pierre-Yves Jeholet (MR) a signé l’avant-propos – propose d’ailleurs en toutes lettres, en page 49, d’« assurer l’octroi de moyens de subsistance aux détenus placés en surveillance électronique équivalents au revenu d’intégration sociale ».

Où sont les détenus multipropriétaires?

Quoi qu’il en soit, cette allocation est liée à certaines conditions: ne pas percevoir d’autres revenus (d’un travail, d’une formation rémunérée…) ou d’aide du CPAS. Le patrimoine de ces personnes n’est pas pris en considération, se récrie le président du MR. « Cela n’a aucun sens » que des condamnés qui ont plusieurs biens immobiliers, « parfois le fruit du crime », aient droit à cette aide, ajoute-t-il. « Ce qui n’a aucun sens, c’est de faire croire que c’est une généralité », rétorque un directeur de prison dans le sérail depuis plus de vingt ans. « Dans ma carrière, je n’ai pas rencontré beaucoup de détenus rentiers ou multipropriétaires. En revanche, la majorité des personnes qui entrent en prison sont dans une vraie situation de précarité. »

Selon les chiffres de l’administration des Maisons de justice (francophones et germanophones), en 2021, sur les 3 850 nouvelles activations de surveillance électronique, 1 476 détenus ont bénéficié de l’allocation que voudrait voir disparaître Georges-Louis Bouchez.

Six fois moins cher

En 2022, le coût moyen d’un détenu par jour s’élevait à 152,44 euros, nous précisait lundi la direction générale de l’administration pénitentiaire. Par comparaison, la détention à domicile, avec un bracelet électronique, coûte en moyenne 25 euros par jour – soit six fois moins cher.

Autrement calculé: un condamné qui purge sa peine à domicile, sous surveillance électronique, en bénéficiant de l’allocation détenu au taux isolé coûte 1 325 euros par mois (30 jours à 25 euros + 625 euros), soit l’équivalent de 9 jours d’incarcération en prison.