France

Plastique : Des conséquences aux coûts astronomiques sur la santé humaine

L’implication de certains plastiques et des produits chimiques qui les composent ne fait plus de doute dans certaines affections. Mais quelle est la véritable ampleur du problème ? Leur impact sur les systèmes de santé du monde entier représenteraient des sommes astronomiques, calculés en billions (1.000 milliards) de dollars, selon les conclusions d’une étude inédite dévoilée mardi en Principauté, à l’occasion de la Monaco ocean week. Ils « provoquent des maladies, des déficiences et une mortalité prématurée à chaque étape de son cycle de vie », développe ainsi la Commission Minderoo-Monaco, selon qui les répercussions « touchent de manière disproportionnée les communautés vulnérables, à faible revenu et minoritaires, en particulier les enfants ».

Alors que des négociations ont commencé l’automne dernier en Uruguay pour élaborer un « Traité international contre la pollution par le plastique » sous l’égide de l’Onu, les chercheurs réunis pour cette étude, et notamment le Centre scientifique de Monaco, la Fondation Minderoo et le Boston College, ont fait leurs recommandations. Ils plaident pour que « tous les polymères et produits chimiques soient soumis à des tests de toxicité avant d’entrer sur les marchés, ainsi qu’à une surveillance post-commercialisation ». Afin de limiter les conséquences dramatiques sur les populations mondiales.

Des impacts tout au long de la production

En 2015, rien qu’au cours de son processus de fabrication, le plastique aurait ainsi entraîné des dépenses de santé supérieures à 250 milliards de dollars dans le monde. Les mineurs de charbon, les travailleurs du pétrole et des gisements de gaz qui extraient les matières premières « souffrent d’une mortalité accrue due aux blessures traumatiques » mais surtout à des maladies, notent les cinquante auteurs de cette étude, qui a nécessité dix-huit mois de travail, selon le Dr Hervé Raps, du Centre scientifique de Monaco, interrogé par 20 Minutes.

Et le tableau est aussi sombre pour ceux qui interviennent dans les usines de production avec « un risque accru de leucémie, de lymphome, d’angiosarcome hépatique, de cancer du cerveau et du sein, de mésothéliome, de lésions neurotoxiques et de diminution de la fertilité ». Dans l’industrie textile, les cancers de la vessie et du poumon, ainsi que d’autres maladies pulmonaires seraient aussi surreprésentés. Les employés dans le domaine du recyclage du plastique ne seraient pas épargnés.

Tout comme les habitants résidents à proximité de sites de production de plastique et d’élimination des déchets. Ils « sont exposés à des risques accrus de naissance prématurée, de faible poids à la naissance, d’asthme, de leucémie infantile, de maladie cardiovasculaire, de maladie pulmonaire obstructive chronique et de cancer du poumon », énumèrent encore les spécialistes. Un constat alarmant, sans compter les émissions de gaz à effet de serre qui découlent de l’industrie du plastique. Elle émettrait 1,96 gigatonne de CO2 par an, soit une dépense supplémentaire annuelle de 341 milliards de dollars, selon la mesure du « coût social » du carbone, établit par l’Agence de protection de l’environnement (EPA) américaine.

Les additifs chimiques en ligne de mire

Et la facture grimpe encore de façon vertigineuse quand on s’intéresse au produit fini et notamment aux « coûts liés aux maladies et aux invalidités causées par les produits chimiques associés au plastique : PBDE, BPA et DEHP ». Des abréviations sous lesquelles se cachent des composés artificiels aux noms souvent aussi complexes que leurs conséquences sur le corps humain : le polybromodiphényléther, le bisphénol A et le phtalate de di-2-éthylhexyle. Cette même année 2015, ces composés « connus pour augmenter le risque de fausse couche, d’obésité, de maladie cardiovasculaire et de cancer » selon l’étude, et dont certains pays ont depuis régulé l’utilisation, auraient entraîné 920 milliards de dollars de dépenses sur le seul sol américain.

La chaîne des dépenses de santé liées au plastique
La chaîne des dépenses de santé liées au plastique – Minderoo-Monaco

Les chercheurs n’ayant pas pu encore compiler ces données à l’échelle de la planète. Ils notent cependant que, dans l’Union européenne, où les PBDE sont réglementés depuis de nombreuses années, des études « montrent des impacts réduits sur les pertes de productivité humaine [déficience intellectuelle et perte de QI] par rapport aux populations testées aux États-Unis ». En attendant, la note serait quand même abyssale, d’autant plus que ces calculs-là ne sont basés que sur ces trois additifs « alors que cette industrie en utilise plus de 10.000 », rappelle à 20 Minutes la Pr Sarah Dunlop, coautrice de l’étude, responsable des plastiques et de la santé humaine à la Fondation Minderoo.

« Les producteurs de plastique donnent très peu de détails sur la composition et la toxicité potentielle des produits chimiques qu’ils utilisent. Dans la plupart des pays, ils n’ont même aucune obligation légale de le faire », ajoute le Dr Philip Landrigan, directeur de l’Observatoire mondial sur la santé planétaire au Boston College. « Une situation d’autant plus problématique que les frais de santé qui découlent de tout ça ne leur sont pas imputés. Ils sont assumés par les citoyens, les contribuables et les gouvernements sans indemnisation », appuie ce spécialiste, également interrogé par 20 Minutes.

Et les microplastiques dans les océans ?

Et ces dépenses seraient encore largement sous-estimées. Notamment vis-à-vis de toutes les traces de plastique retrouvées dans la nature, et notamment dans les mers et dans les océans. Là-dessus, les chercheurs n’ont pu établir aucun diagnostic. Ils pointent la nécessité « de mieux mesurer et surveiller les effets des produits chimiques utilisés par l’industrie plastique sur les espèces marines » et regrettent « un important manque de connaissances concernant l’ingestion des nanoparticules de plastique. »

« Ces déchets menacent les écosystèmes océaniques dont toute l’humanité dépend pour sa nourriture, son oxygène, ses moyens de subsistance et son bien-être », expose encore le Dr Hervé Raps. « En plus de leurs effets intrinsèques, les plastiques peuvent aussi être un vecteur de micro-organismes potentiellement pathogènes et d’autres produits chimiques adsorbés par l’eau polluée », rappelle le responsable du Centre scientifique de Monaco. Avec sans doute toujours des effets néfastes sur la santé.