Belgique

« C’est un échec total. Mathieu Michel n’a pas réussi à imposer une vraie dynamique »

Pour Christophe De Beukelaer, cofondateur de la Brussels Blockchain Week et député bruxellois pour les Engagés, c’est une situation anormale pour le pays abritant la capitale de l’Europe. “Ça évolue dans les pays voisins alors que nous, nous sommes à la traîne. On a perdu des années, il n’y a pas eu de vraie prise de conscience”, lance-t-il, critique vis-à-vis du Fédéral, et en particulier du secrétaire d’État au digital, Mathieu Michel (MR). “Il n’a pas réussi à insuffler cette dynamique pendant son mandat. Il y a eu des initiatives, comme Digital Minds, qui étaient de bonnes initiatives. Mais ça n’a pas pris. Certains ont d’ailleurs claqué la porte. C’était du discours non accompagné de faits”, critique le député.

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Il y a de bonnes idées, comme Blockchain4Belgium, mais il n’y a rien de structurant. De plus, on n’est pas à niveau. En France, on investit 21 millions d’euros par an dans la French Tech (réseau de soutien et de développement des entreprises de la tech française, NdlR), aux Pays-Bas, c’est 5 millions par an. BeTech – qui a malheureusement perdu un administrateur avec le décès de Karim Slaoui – demande 5 millions… sur dix ans, mais personne n’écoute”, poursuit-il. “Il y a une réelle volonté politique chez nos voisins, là où, en Belgique, c’est une compétence morcelée, non coordonnée entre les différents gouvernements”, assène-t-il.

La réforme du droit d’auteur, gros point noir ?

Pour Christophe De Beukelaer, la réforme du droit d’auteur est un exemple même du manque de dialogue entre le secrétaire d’État au digital, Mathieu Michel, et le reste du gouvernement, dont le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V). Effectivement, ce dernier a décidé, en amont de sa réforme fiscale avortée, de réformer la niche fiscale du droit d’auteur, fin 2022. Ce qui a eu comme conséquence de serrer la vis pour certaines professions de la création, dont les auteurs, journalistes mais aussi codeurs et développeurs de logiciels.

guillement

« On a réussi à mettre un handicap à nos acteurs du digital. À l’heure où les champions de demain sont en train d’être créés. C’est hallucinant.”

”Ils avaient un rôle majeur à jouer… Secrétaire d’Etat du digital, ce n’est pas juste sortir des petites idées de temps en temps pour être visible. Il fallait convaincre ses partenaires. C’est un échec total. Quel signal on donne ?” se demande-t-il. “Je ne suis pas favorable aux niches fiscales de base, je préfère une baisse des charges sur le travail, mais tant qu’on n’y arrive pas, il ne faut pas toucher à nos secteurs d’avenir. Là, on a réussi à mettre un handicap à nos acteurs du digital. À l’heure où les champions de demain sont en train d’être créés. C’est hallucinant”, ajoute-t-il. “En Flandre, Jan Jambon a annoncé en décembre le lancement d’une stratégie numérique avec 7 grandes entreprises. Capital de départ : 4,5 millions d’euros, piloté par Flanders Technology and Innovation. Que la Flandre parte seule, C’est bien la preuve que Mathieu Michel n’a pas réussi à imposer une vraie dynamique numérique au niveau belge”, poursuit-il.

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Bitcoin, un tournant ?

Le 11 janvier dernier, la SEC, le gendarme boursier américain, a validé un ETF (exchange trade fund, soit un fonds négocié en Bourse) lié au Bitcoin. Une première et un passage important dans la reconnaissance par la finance “classique” et les autorités de certains crypto-actifs, comme le Bitcoin.

guillement

« Va-t-on, une fois de plus, laisser les États-Unis et la Chine rafler la mise ? »

Je dis depuis des années que Bitcoin va jouer un rôle dans le paysage numérique et financier. J’ai subi les railleries et les critiques sans broncher. Aujourd’hui, Larry Fink, le patron du gestionnaire de fonds Blackrock, dit que Bitcoin deviendra bientôt le moyen d’échange pour le commerce international, qu’il faut le considérer comme de l’or numérique. Il estime même que c’est une valeur refuge !”, renchérit le député, qui cite également des exemples de start-up basant leur business sur la blockchain. “Oui nous devons réguler cette innovation ! Mais par une régulation qui permette le développement des cryptomonnaies” et autres crypto-actifs, poursuit-il. “Va-t-on, une fois de plus, laisser les États-Unis et la Chine rafler la mise ?”, termine-t-il.

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Trois questions à Christophe De Beukelaer

Vous êtes abonné aux services payants de ChatGPT ?

”Bien sûr. Je l’utilise régulièrement. Et tous les fonctionnaires devraient s’aider de l’IA. Cela permettrait d’augmenter la productivité de l’administration, au-delà des sphères privées. Là, on est à la traîne. Il faut prendre plus de risques, être plus entrepreneurs, former le personnel administratif. Il faut que des acteurs européens émergent. »

Vous comprenez que l’IA peut faire peur ?

« Les gens en ont peur mais ce n’est pas l’IA qui va prendre le travail des gens, ce sont des gens qui utilisent l’IA qui vont le prendre. Ça a été le cas pour toutes les inventions et innovations par le passé. Et ça n’a jamais créé le chômage de masse que certains imaginent. Comme lors de l’invention de la machine à vapeur, la généralisation de l’électricité… On doit être de ceux qui sont dans le train, car de toute façon, ces évolutions arrivent. Chaque fois que l’humain a trouvé une manière plus rapide et plus efficace de faire les choses, il l’a utilisée. Il faut façonner et utiliser ces technologies plutôt que les “subir”. Comme on a fait lors de l’arrivée d’Internet. On a eu peur, on a tenu ces discours sur le blanchiment, les activités illégales… et on a laissé les États-Unis nous devancer et désormais “piller” nos données.

guillement

« On a eu peur, on a tenu ces discours sur le blanchiment, les activités illégales… et on a laissé les États-Unis nous devancer et désormais “piller” nos données. »

Vous touchiez votre salaire en Bitcoin l’année dernière, via la plateforme Bit4You. Elle a fait faillite. Vous avez tout perdu ?

« Non, je récupérais mon salaire via mon “ledger”, mon portefeuille crypto, qui permet de n’être dépendant d’aucune banque ou plateforme, même comme Bit4You. Il faut comprendre que les cryptos permettent de s’affranchir totalement de ces intermédiaires. Ce ne sont pas que des actifs pour spéculateurs. J’appelle le monde politique à préparer notre économie à faire face à cette révolution financière. »


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