Belgique

700 trams STIB bloqués par des voitures mal garées en 2022: « Le dispatching a même le n° du brico, on sait que c’est leurs clients à coup sûr »

Said Chamlal, manager de ligne attaché au dépôt STIB de l'avenue du Roi.
Said Chamlal, manager de ligne. ©EdA – Julien Rensonnet

Ce genre d’événements, le jargon STIB l’appelle un « service bloqué ». Le haut de Saint-Gilles, ses voiries étroites et ses virages serrés, en est coutumier. « Les voitures mal garées, c’est fréquent, presqu’une fois par jour », acquiesce Karim Ouazzani, aux manettes du 81. « Parfois, c’est même trois fois ». Dans ces cas-là, le chauffeur appelle le dispatching. Qui met les déviations en place, remonte l’info aux autres véhicules de la ligne, la relaye à la police et, si nécessaire, met un dépanneur sur le coup. Mais d’abord, il alerte le manager d’intervention du secteur.

5,1 millions d’euros: les amendes, une rentrée financière indéniable pour la Stib

7.327 minutes perdues

Uniforme impeccable, Ray-ban, badge à la ceinture, walkie-talkie à la poche revolver, Nasiri El Massaoudi est de ceux-là. « En 2022, sur le segment rues Moris, Antoine Bréart et Lombardie, on a compté 260 trams bloqués et 45 véhicules dépannés », arrondit-il. « Ça fait vite des minutes et des minutes de perdues pour les voyageurs ». Car un petit train de trams se forme très vite, et le retard se répercute aux arrêts suivants. En 2021, la STIB a additionné 7.327 minutes perdues, soit 122 heures, générées par 595 véhicules mal garés. 2022 a été pire: 696 trams bloqués pour des voitures mal garées ou des chargements et déchargements. En découlent 67 PV dont 45 ont nécessité le remorquage du véhicule. Ce qui peut coûter bien plus cher qu’un ticket de stationnement: « Aux alentours de 100 euros dès 10 minutes, près de 400 pour 30 minutes et plus de 1.000 euros quand on bloque depuis 1h » selon la STIB. « Et on ne compte pas ici les frais de dépannage ».

Avec les managers d'intervention de la STIB, qui libèrent les lignes de trams lors des "services bloqués", principalement dus à des automobilistes mal garés.
Avec les managers d’intervention de la STIB, qui libèrent les lignes de trams lors des « services bloqués », principalement dus à des automobilistes mal garés. ©EdA – Julien Rensonnet

Seul un conducteur indélicat sur 10 ramasse donc la douloureuse. « On n’est pas là pour multiplier les PV », note Nasiri El Massaoudi. « Nous, on veut que ça roule. Alors on a des plans B. On enclenche la sirène, on essaye de trouver le propriétaire ». Rarement un riverain ou un habitué du quartier. « Ils savent qu’ils doivent garer sur le trottoir, sinon ça coince ». Même si le code de la route l’interdit. La petite course, le stop à la boulangerie, l’arrêt à l’école, au distributeur de billets, c’est le coup classique. Plus insolite: « la police aux sorties de boîtes de nuit, très tôt les samedis et dimanches ». Et puis les magasins de bricolage donc, qui mettent la patience des chauffeurs et voyageurs à rude épreuve. « C’est l’excuse habituelle: ‘j’en avais pour 2 minutes' ». Dès 5 minutes, le conducteur peut faire descendre ses voyageurs. Parfois, ceux-ci en ont marre: ils déplacent eux-mêmes la voiture qui gêne. « Mais nous, on n’y est pas autorisé, évidemment », sourit l’agent assermenté. Qui part parfois à la chasse aux indices. Son collègue Said Chamlal se souvient: « Y avait ce gros 4X4 dans la rue Lesbroussart. Avec les papiers qui trainaient à l’intérieur, j’avais retrouvé le propriétaire: un commerçant de la place Flagey. J’étais allé jusque-là ».

Nasiri El Massaoudi, manager d'intervention à la STIB.
Nasiri El Massaoudi, manager d’intervention. ©EdA – Julien Rensonnet

Au millimètre

Dans le 81, Karim Ouazzani arrive rue Wayez. L’artère commerçante d’Anderlecht vient d’être rénovée. Des stationnements ont été remplacées par des bacs de verdure. « Depuis une dizaine d’années, la STIB suggère des aménagements pour minimiser le risque de blocage », commente Said Chamlal. « On élimine des places, on réduit les trottoirs, on place de la verdure aux oreilles ou on élargit l’arrêt ». Typique: l’arrêt Faider, chaussée de Charleroi à Saint-Gilles. « Avant c’était blocage à chaque coup. Maintenant ça roule ». La rue Wayez reste cependant une zone à risques, comme la chaussée de Helmet pour le 55, « car les stationnements sont très proches des rails ». Le chauffeur frôle un camion, à cheval sur le trottoir. « On croit que ça passe, mais le danger peut venir du haut car le poids lourd bascule un peu vers nous. Si je passe au millimètre avec les anciennes motrices, je préviens les collègues parce que les trams plus modernes ne passent pas ». Pas question non plus d’érafler la carrosserie d’une berline, même en tort. « Si le chauffeur refuse d’avancer parce qu’il sent que c’est limite, il peut. C’est au supérieur de décider quand il arrive sur place », précise Nasiri El Massaoudi. « Et quoiqu’il arrive, il y a entrave. Même si ça passe ». Et donc amende potentielle.

Karim Ouazzani, chauffeur à la STIB depuis 2014.
Karim Ouazzani, conducteur à la STIB. ©EdA – Julien Rensonnet

Dernièrement, de nouveaux obstacles ont généré des « services bloqués » à Bruxelles. « Un tram a stoppé à cause d’une prise de voiture électrique en charge. Impossible de l’enlever nous-mêmes », relate le dispatcheur Ahmed L’yarab. « On a dû téléphoner au fournisseur d’énergie, qui a débloqué l’engin à distance ». Preuve que la voiture électrique, si elle pollue moins l’air des villes, n’est d’aucune aide quant à leurs engorgements.

Ahmed L’yarab, dispatcheur tram à la STIB.
Ahmed L’yarab, dispatcheur tram. ©EdA – Julien Rensonnet