Suisse

Une ère glaciaire s’ouvre entre la Suisse et l’Allemagne

Un drapeau allemand, un drapeau suisse et deux drapeaux européens: visite du président de la Confédération Alain Berset à Berlin en avril 2023. © Keystone / Anthony Anex

L’Allemagne redéfinit sa relation avec la Suisse. Les rapports entre voisins se sont rapidement détériorés. C’est aussi un nouveau coup d’épingle de Bruxelles. Analyse.

Ce contenu a été publié le 12 mai 2023




@ignaziocassis regarding the unprovoked attack of Russia on Ukraine.

I welcome the decision of the Swiss government to widen sanctions against Russia in step with the measures imposed by the EU. pic.twitter.com/BtLoPBHeKk

— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) March 4, 2022

Ensuite, la Suisse se fait remarquer par sa mise en œuvre hésitante des sanctions. Et finalement, elle se transforme en obstacle irritant quand les États de l’UE commencent à livrer des armes à l’Ukraine – puisque les pays européens ont besoin de son accord pour transmettre des armes suisses à Kiev.

Comme pour l’application des sanctions, la Suisse est à nouveau sous pression. Mais elle renvoie toujours à ses lois, à sa neutralité – et se défile. «L’interdiction de réexporter des armes n’est pas comprise en Europe», doit admettre la ministre de la Défense Viola Amherd devant la presse nationaleLien externe.

La Suisse dit non

Ainsi se prépare ce qui va conduire à un nouvel âge de glace avec Berlin: l’affaire des Leopard 2. La Suisse possède 96 de ces chars de combat déclassés, qu’elle laisse rouiller dans un hangar. L’Allemagne souhaite les racheter pour regarnir ses propres unités blindées, amoindries par les livraisons à l’Ukraine. Mais la Suisse refuse.

Intermède: mi-mars 2023, le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, visite la Suisse. Il fait montre d’une bienveillance cordiale comme plus personne ne l’attendait ici. L’homme en charge du dossier suisse à Bruxelles prend son temps. Il écoute, pose des questions, se montre compréhensif, plaisante.

Étonnant. C’est pourtant le même homme qui avait auparavant répondu à la Suisse par des ultimatums et une indifférence démonstrative. À ce stade, il a déjà convoqué sept tours de discussions exploratoires pour la négociatrice en chef suisse Livia Leu. Dans des antichambres, par son équipe, lui-même n’avait presque jamais le temps.

Bon flic, mauvais flic

Mais maintenant qu’il est en visite, il loue les particularités suisses, souhaite un rapprochement et dégage une confiance contagieuse. Les parlementaires suisses qui le rencontrent sont séduits. Ils parlent d’une «nouvelle atmosphère». Bruxelles fait office de bon flic.

Proximité chaleureuse: Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne, en charge du dossier suisse à Bruxelles, avec le ministre suisse des Affaires étrangères Ignazio Cassis à Berne. © Keystone / Peter Schneider

Distance froide: le président de la Confédération Alain Berset en avril à Berlin avec le chancelier Olaf Scholz. © Keystone / Anthony Anex

Un mois plus tard, le 18 avril, le président de la Confédération suisse Alain Berset rend visite au chancelier allemand Olaf Scholz. Chars, munitions, Ukraine? Berset botte en touche, il renvoie une fois de plus à la neutralité suisse. On en reste au non. «Nous avons pris connaissance des décisions prises jusqu’à présent et espérons qu’il se passera quelque chose», répond le chancelier. Mais il n’a pas l’air d’y croire.

C’est que Scholz doit livrer le matériel. Tout le monde sait que l’Allemagne aussi est sous pression. Les États-Unis impriment le rythme en Ukraine, ils font part de leurs attentes à chaque État d’Europe.

Coup d’épingle de l’UE

Après cela, l’Allemagne est définitivement contrariée. Lors du petit-déjeuner décoré de fleurs aux couleurs de la Suisse du 3 mai, la République fédérale dit à son petit voisin qu’elle redéfinit les relations.

Ce n’est pas seulement une frustration de l’Allemagne. C’est aussi un coup d’épingle de l’Union européenne. Bruxelles fait le mauvais flic.

Une semaine plus tard, le 10 mai 2023, Livia Leu rend son tablier. La négociatrice en chef de la Suisse avec l’UE reprend l’ambassade à Berlin. Et ce n’est pas une retraite confortable. C’est plutôt le stress qui y règne.

(Traduit de l’allemand par Marc-André Miserez)

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