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À l’ONU, l’examen périodique de la Chine met sous pression les pays du Sud

Des Ouïghours et des Tibétains manifestent devant les Nations unies à Genève lors du dernier Examen périodique universel de la Chine par le Conseil des droits de l’homme, en 2018. © Keystone / Salvatore Di Nolfi

Alors que la communauté internationale examine le bilan en matière de droits humains de la Chine, les ONG espèrent que les États, en particulier du Sud, se réfèrent au controversé rapport de l’ONU sur les violations au Xinjiang.

Ce contenu a été publié le 23 janvier 2024 – 18:45




ReutersLien externe rapportait lundi que Pékin avait fait pression sur les pays non occidentaux pour qu’ils fassent l’éloge de son bilan en matière de droits humains, notamment par le biais de mémos envoyés à des diplomates à Genève par la mission chinoise auprès de l’ONU.

L’EPU peut-il conduire au changement?

Les recommandations formulées dans le cadre de l’EPU d’un pays conduisent-elles réellement à des changements politiques? «Si le gouvernement chinois n’est pas disposé à reconnaître qu’il y a un problème, il ne sera pas un acteur constructif et ne mettra pas en œuvre les recommandations qui conduiraient à un changement», estime Raphaël Viana David.

À l’issue de son EPU en 2018, Pékin a accepté 284 des 346 recommandations qui lui ont été adressées. Dans son discours au Conseil des droits de l’homme, Le Yucheng, ministre chinois des Affaires étrangères à l’époque, a qualifié le processus de «fluide et fructueux».

Or personne ne contrôle les recommandations des États membres, ce qui signifie que les pays sont libres de suggérer toutes les mesures qu’ils souhaitent. L’EPU est donc aussi l’occasion pour les pays de briller sur la scène internationale.

Par exemple, en 2018, la Hongrie, un pays proche de Pékin, a recommandé que la Chine «continue de protéger les droits des groupes vulnérables», sans préciser lesquels. L’Iran, un autre allié, a suggéré que la Chine «protège son système politique et la voie de développement choisie par son propre peuple», faisant écho aux déclarations du Parti communiste chinois au pouvoir.

«Les pays devraient fonder leurs recommandations sur le vaste éventail de documents publiés par les organes de l’ONU chargés des droits humains», explique Raphaël Viana David. «Mais ce n’est pas toujours le cas. Certains pays utilisent leur capital politique pour mobiliser d’autres pays et parfois les contraindre à émettre des recommandations favorables.»

Mais si la Chine perçoit qu’elle manque de soutien sur la scène internationale, elle pourrait néanmoins ressentir une pression pour améliorer ses politiques de droits humains. «Cela dépendra de la robustesse des recommandations des gouvernements occidentaux, mais aussi de celles émises par les gouvernements des pays du Sud», ajoute Raphaël Viana David.

Le refus de la Chine de mettre en œuvre les recommandations reçues pourrait également mettre en évidence son manque de coopération avec les mécanismes onusiens. «Cet ensemble de preuves peut à son tour influencer les votes du Conseil des droits de l’homme concernant des enquêtes dans la région ouïghoure et sur la pertinence de la participation de la Chine au conseil», estiment Renee Xia et William Nee du Network of Chinese Human Rights Defenders (CHRD), une ONG basée à Washington DC., dans The DiplomatLien externe.

Marc Limon reconnaît qu’il y a «de vraies questions sur l’efficacité [de l’EPU] aujourd’hui». Lors des examens précédents, les recommandations portaient sur des mesures plus faciles à mettre en œuvre. Aujourd’hui, les suggestions impliquent des changements que les pays ne veulent pas opérer. «L’EPU n’est pas dénué de sens, mais de plus en plus, lorsqu’il s’agit de pays importants comme la Chine ou les États-Unis, il devient un peu un théâtre politique», ajoute-t-il.

Texte relu et vérifié par Virginie Mangin

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