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Pour Israël, une guerre à fronts variables

La veille, un barrage d’environ 35 roquettes a en effet secoué le nord de l’État hébreu, qui regorge de vacanciers lors de cette période de repos annuelle. Une des attaques les plus sévères en provenance du Liban depuis 2006, s’est empressée de souligner la presse israélienne, et rapidement imputée par les Israéliens au Hamas. “Ou au moins à des groupes palestiniens apparentés”, a précisé Richard Hecht, le porte-parole de Tsahal. L’armée israélienne a répondu modérément au Liban et beaucoup plus massivement à Gaza. Une façon de souligner que pour les Israéliens, comme pour leurs adversaires, la séparation entre ces groupes militants s’estompe.

Le spectre d’un conflit unifié

Le spectre qui hante les Israéliens, et que cette salve rappelle, c’est ce que Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, et les militants palestiniens promettent depuis plusieurs années : “L’unité de tous les fronts” , une guerre au Nord, au Sud, en Cisjordanie, à Jérusalem, et même à l’intérieur des frontières israéliennes.

Un discours qui rejoint assez bien celui des suprémacistes juifs, aujourd’hui au pouvoir dans le gouvernement Netanyahou. Ces derniers appellent à une guerre totale, et cherchent à militariser leurs propres brigades.

Un contexte qui avait occasionné des craintes pour ce ramadan, qui coïncide cette année avec les Pâques juive et latine. Celui-ci avait pourtant plutôt bien commencé, en dépit des inquiétudes. Les Israéliens, qui avaient manifestement discuté avec leurs partenaires régionaux pour maintenir le calme, ont ouvert les checkpoints avec la Cisjordanie aux femmes, enfants et hommes âgés. L’affluence était au rendez-vous. Les deux premiers vendredis, au moins 120 000 personnes sont venues prier à la mosquée Al Aqsa – 250 000, selon les autorités islamiques.

Mardi, pour prévenir un éventuel rituel religieux juif sur l’esplanade des mosquées, plusieurs centaines de jeunes Palestiniens avaient décidé de passer la nuit dans une des salles de prières. Délogés de force par la police, 400 d’entre eux se sont retrouvés derrière les barreaux.

Le Premier ministre israélien avertit: « Nous frapperons nos ennemis pour chaque agression »

Les assauts de la police jusque dans le lieu de culte ont été accompagnés de gaz lacrymogène, de coups de crosse et autres coups portés avec des chaises. Des images choquantes.

Le Hamas, défenseur autoproclamé de Jérusalem, n’attendait que ça. “L’étendue de l’opération et la date montrent que cela était prévu d’avance”, opine Amos Yadlin, ancien chef du renseignement militaire israélien.

Cette attaque du Hamas occulte le fait que la situation dans les Territoires occupés continue à battre de tristes records. On en est en effet déjà au niveau de la seconde intifada : près de 90 Palestiniens sont morts depuis le début de l’année ; plus de mille sont en détention sans procès. Une escalade qui ne semble pas pour autant handicaper les groupes armés formés ces derniers mois par une génération post-intifada désespérée. Vendredi, trois femmes israéliennes de la colonie d’Efrat – réputée modérée – ont ainsi été tuées dans une fusillade sur une route dans la vallée du Jourdain.

Si le Hamas voulait tester l’unité israélienne, qui paraissait compromise après trois mois de manifestations intenses, il aura été déçu. Le ministre de la Défense Yoav Galant, pourtant limogé pour insubordination suite à son opposition au processus de réforme judiciaire controversée voulue par le gouvernement, est revenu à son poste comme si de rien n’était, alors que les suprémacistes juifs étaient tenus à l’écart des délibérations sécuritaires.

Mais la confiance dans le chef du gouvernement, qui fête ses cent jours en poste, n’est pas pour autant rétablie. Les canons israéliens fumaient encore vendredi matin quand des manifestants israéliens se sont retrouvés devant les résidences de plusieurs ministres. Et samedi soir, ils se rassembleront une fois de plus à Tel-Aviv, pour la quatorzième semaine d’affilée.