International

L’Europe veut sanctionner les corrompus partout dans le monde

Pour rappel, la justice belge enquête sur des suspicions de corruption d’anciens et d’actuels membres du Parlement européen notamment par le Qatar ou le Maroc. Parallèlement, un haut fonctionnaire de la Commission a dû récemment faire un pas de côté, à cause de ses voyages tous frais payés à Doha, effectués au moment où l’UE négociait un accord en matière de transport aérien avec le pays. “Je suis convaincue que c’étaient des erreurs individuelles”, a assuré Vera Jourova, vice-présidente de la Commission. “Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas faire mieux”, a-t-elle poursuivi.

Harmoniser les dispositions pénales

L’exécutif européen doit proposer prochainement la création d’un futur comité d’éthique, commun à toutes les institutions de l’UE. En attendant, une des mesures proposées mercredi vise par exemple à fixer les circonstances aggravantes pour les crimes de corruption dans tous les États membres. Parmi celles-ci : le fait d’être un haut fonctionnaire ou encore d’agir pour les intérêts d’un pays tiers.

De manière générale, l’objectif du paquet législatif proposé mercredi est de remettre à niveau les dispositions pénales anticorruption de tous les Vingt-sept. Après tout, près de sept Européens sur dix (68 %) estiment que la corruption est répandue dans leur pays, selon les données de l’Eurobaromètre.

Plusieurs chantiers sont identifiés : harmoniser et élargir les définitions de la corruption (qui est limitée dans certains pays à l’acceptation pots-de-vin) ; faciliter l’investigation de ces crimes notamment en évitant les délais trop courts de prescription ; prévoir une procédure claire pour la levée de l’immunité des responsables politiques ; décider d’un seuil minimum européen pour les peines associées… “Les États membres devront se conformer à des normes beaucoup plus strictes en matière de lutte contre la corruption”, a résumé Ylva Johansson, commissaire aux Affaires intérieures.

Une “liste noire” des corrompus

L’Union européenne se doit d’agir aussi au-delà de ses frontières, estime la Commission, qui propose donc aux Vingt-sept de sanctionner les auteurs d’”actes graves de corruption”, même dans des pays tiers. Inscrire un tel outil dans la politique étrangère de l’UE fait sens puisque la corruption peut menacer “la paix et la sécurité internationale, favoriser le terrorisme et la criminalité organisée”, a précisé Josep Borrell. Les personnes visées seraient interdites d’entrer dans l’UE et verraient leurs avoirs gelés.

Mais il faudra encore que les Vingt-sept valident l’idée à l’unanimité – avant qu’ils s’accordent, ensuite, précisément sur les individus à viser. Ce qui n’est pas gagné. “Je sais qu’il y aura des discussions entre les États membres”, a avoué M. Borrell, citant “des visions différentes” de l’usage des sanctions.

Le débat sur une telle “liste noire” européenne est dans l’air depuis plusieurs années, alors que les États-Unis ont élargi leur loi “Magnitsky” en 2016 pour justement punir les responsables de violations des droits de l’homme ou d’actes de corruption partout dans le monde. En 2020, l’UE avait fini par s’en inspirer et s’était aussi dotée d’un cadre général pour cibler ceux qui bafouent les droits de l’homme, sans pour autant y inclure les crimes de corruption. Pour ceux-ci, l’UE peut juste décider d’agir au cas par cas, à savoir pour un pays en particulier. La semaine dernière, les Vingt-sept ont ainsi adopté un régime de sanctions pour cibler ceux qui cherchent à déstabiliser la Moldavie avec l’aide du Kremlin et/ou qui y ont perpétré des actes de corruption.

La Commission voudrait donc élargir le spectre d’action de l’Union au monde entier, à l’heure où la guerre en Ukraine a fait évoluer de manière fondamentale la politique étrangère européenne.