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Le gouverneur de la Floride pousse ses ambitions présidentielles en restreignant le droit à l’avortement

La constitutionnalité de la première initiative législative doit encore être confirmée par la Cour suprême de l’État et on comprend l’embarras du gouverneur en approuvant d’ores et déjà la seconde. Alors qu’il avait paradé fièrement dans les églises en avril 2022, Ron DeSantis s’est contenté, cette fois, de publier une photo de la promulgation peu après… 23 heures. Si la loi prévoit des exceptions en cas “de viol, d’inceste, d’urgence médicale ou de malformations congénitales mortelles”, il n’échappe à personne que six semaines est un délai au terme duquel les femmes ignorent généralement qu’elles sont enceintes. La mesure revient donc à empêcher de facto l’interruption volontaire de grossesse.

Un afflux de patientes des États voisins

Les promoteurs de la nouvelle loi ont tiré prétexte d’une hausse significative du nombre d’avortements en Floride pour justifier un durcissement supplémentaire de la législation. Avec quelque 82 000 IVG pratiquées l’an dernier, la Floride bat, il est vrai, presque tous les records dans le pays. Toutefois, parmi celles-ci, près de 7 000 l’ont été sur des patientes venues d’autres États où la législation était plus contraignante, soit une augmentation de 38 % par rapport à l’année précédente.

Cette progression, les élus conservateurs ont dit vouloir l’enrayer. Adoptée le 3 avril au Sénat de la Floride par 26 voix contre 13, la nouvelle loi a été votée jeudi à la Chambre par 70 voix contre 40, majorité républicaine contre minorité démocrate à quelques voix près. Seule une poignée de Républicains a, en effet, estimé que la loi allait trop loin, notamment en refusant de ménager des exceptions pour prendre en compte l’état de santé mentale de la mère ou des prédispositions faisant craindre des grossesses à hauts risques.

En prévision des primaires de 2024

En appuyant la démarche, Ron DeSantis a clairement voulu se positionner en prévision des primaires du Parti républicain dans moins d’un an. Le gouverneur ne s’est pas encore officiellement déclaré candidat à la présidentielle de 2024, mais nul ne doute qu’il le fera. Pour espérer l’emporter, il doit donner des gages aux milieux les plus conservateurs et notamment à la droite religieuse.

Le retour en force de l’avortement dans la thématique électorale n’en est pas moins paradoxal puisque le nombre d’IVG pratiquées annuellement avait chuté quasiment de moitié entre 1990 et 2020 aux États-Unis. La tendance s’est récemment inversée, ce qui suggérerait de s’attaquer plutôt aux racines du problème que sont la pauvreté, le manque d’éducation et l’accès insuffisant aux soins de santé et à la contraception – notamment dans les États républicains où le recours à celle-ci est parfois remis en cause lui aussi.

La croisade contre l’avortement s’est retournée contre les Républicains, si l’on en juge par le succès inattendu des Démocrates aux législatives de 2022, attribué pour une bonne part à la défense du droit à l’IVG. Le Parti démocrate investira significativement son candidat à la présidentielle, en août 2024, à Chicago, dans un État, l’Illinois, qui s’est érigé en centre national de lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps.