France

Education : Comment réduire l’anxiété des élèves vis-à-vis des notes ?

Du stress sans cesse. Les parents d’élèves et leurs enfants sont souvent obsédés par les notes. Encore plus dans le secondaire, en raison de logiciels de gestion de vie scolaire (Pronote, Sconet…), qui consignent toutes les performances et ratages des élèves dès le collège. Cette préoccupation a des effets délétères sur les élèves, comme le souligne une étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) * parue ce jeudi.

Selon celle-ci, 57 % des parents déclarent que leur enfant est stressé avant un contrôle, 45 % qu’il perd ses moyens pendant une évaluation, et 51 % que la restitution des copies est un moment stressant pour lui. Il faut dire que les pratiques de certains enseignants interrogent, car plus d’un tiers des élèves ont été confrontés au moins une fois dans l’année à l’annonce des résultats des élèves à voix haute devant toute la classe, ou dans l’ordre de performance, de la meilleure copie à la moins bonne. Par ailleurs, les logiciels de gestion scolaire ont renforcé la concurrence entre les élèves, puisque sont indiquées la moins bonne et la meilleure note et la moyenne de la classe pour chaque contrôle ou devoir évalué. « L’évaluation normative par les notes incite à la comparaison et au classement des élèves, donc au mal-être de certains », souligne Agnès Florin, coresponsable du Cnesco.

Le manque d’originalité des Français en matière d’évaluation

Hormis la pression qu’elles font peser sur les élèves, les notes ont aussi des conséquences délétères sur les apprentissages, selon les chercheurs du Cnesco : « Les élèves ont tendance à chercher à être les meilleurs ou à éviter d’avoir une mauvaise note plutôt qu’à apprendre, à progresser dans leur apprentissage », écrivent-ils. Et ceux qui obtiennent des mauvaises notes régulièrement « risquent de développer un sentiment d’impuissance et même d’attribuer leurs échecs répétés à un manque d’intelligence », estime André Tricot, coresponsable du Cnesco.

Si les notes ont pris tant de poids dans la vie des élèves, c’est tout d’abord parce que la France ne brille pas par son originalité en matière d’évaluation. Notamment parce que les profs ne sont pas bien formés dans ce domaine : seuls 26 % se déclarent « bien préparés » pour évaluer leurs élèves. D’où la recommandation du Cnesco de mieux les former sur ce point, en les faisant notamment accompagner par un référent académique.

Développer l’évaluation des compétences

L’instance d’évaluation indépendante des politiques scolaires reconnaît que la France a tout de même amorcé un changement de doctrine sur l’évaluation depuis 2010. « Aujourd’hui, l’école primaire évalue les élèves avec d’autres indicateurs que les notes. Elle n’intéresse au niveau de maîtrise des compétences », indique Agnès Florin, coresponsable du Cnesco. Mais au collège et au lycée, la notation chiffrée règne en maîtresse. D’autant qu’avec la réforme du bac, les notes des bulletins comptent pour 40 % de la note globale. Un système de contrôle continu qui génère une grosse pression tout au long de l’année de 1re et une partie de celle de terminale. Et qui ne valorise pas la progression de l’élève durant l’année.

Il semble donc nécessaire de développer l’évaluation des compétences dans le secondaire, ce qui permettrait aux élèves de parfois se tromper sans être pénalisés. Si la suppression des notes semble utopique dans certaines classes du secondaire, « il faut les compléter a minima par un livret scolaire qui indiquerait le niveau de maîtrise des compétences », estime Isabelle Negro, professeur de psychologie du développement à l’université de Nice-Sophia Antipolis. « L’évaluation doit aussi refléter ce qu’il se passe en classe au fil de l’eau », insiste Arnaud Luca.

Multiplier les modalités d’évaluation

Une expérimentation est menée depuis 2021 en cours de maths auprès des classes de seconde du lycée Nicolas Brémontier de Bordeaux. Les élèves ne reçoivent de notes qu’à la fin du trimestre. Ce qui leur permet d’évoluer à leur rythme pour acquérir les compétences attendues dans la discipline. « La note attribuée à la fin du trimestre n’est pas une moyenne, mais une note qui traduit, de façon globale, le niveau de maîtrise atteint en fin de période », indique le Cnesco. Une expérience positive, dont les retours précis sont attendus au cours de l’année 2023.

Afin de diminuer le stress ressenti lors des contrôles, le Cnesco suggère aussi de multiplier les différentes modalités d’évaluation. Notamment en augmentant le nombre de tests des connaissances en classe, sans que ceux-ci soient notés. « La recherche a d’ailleurs montré que de telles évaluations pendant les apprentissages sont plus efficaces que les contrôles en fin de séquence, car elles permettent aux enseignants de faire des retours sur d’éventuelles erreurs de façon à ce que les élèves ne les reproduisent plus », constate Agnès Florin.

Faire disparaître la moyenne de la classe

Pour que les notes ne soient moins un objet de comparaison, Isabelle Negro estime aussi « qu’il faut faire disparaître la moyenne de la classe, ainsi que la meilleure et la plus mauvaise note. Ce sont des indicateurs qui ne disent rien de la progression de l’élève », souligne-t-elle.

Enfin, pour que les notes soient mieux comprises, le Cnesco estime que les enseignants doivent mettre le paquet sur les feedbacks qu’ils font à leurs élèves lorsqu’ils leur remettent leurs copies, en insistant sur les moyens de résoudre un exercice ou la méthode à suivre pour réussir son devoir. Et en prévoyant une autre évaluation juste après pour mettre en œuvre ce qu’ils ont compris.

Pour l’heure, le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, n’a pas clairement précisé s’il voulait revoir le mode d’évaluation des élèves. Dans une lettre aux enseignants adressée en juin dernier, via laquelle il indiquait sa feuille de route, il annonçait vouloir veiller au bien-être des élèves : « Dans l’enceinte de l’école laïque, chaque enfant doit pouvoir se sentir accueilli, préservé des discours dévalorisants, encouragé ».