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L’avortement devient un cauchemar pour les candidats républicains à la présidentielle de 2024

L’abrogation, en juin dernier, du célèbre arrêt « Roe v. Wade » par la Cour suprême, a ouvert une boîte de Pandore en remettant fondamentalement en cause le droit à l’IVG qui était garanti à l’échelle nationale depuis 1973. Sous couvert de rendre aux États le pouvoir de légiférer en la matière, la Cour, largement dominée par les conservateurs depuis la nomination de trois juges par Donald Trump, a permis l’adoption de lois extrêmement restrictives dans une vingtaine d’États dominés par les Républicains. Du Texas à la Floride, beaucoup ont pratiquement rendu impossible l’avortement en l’interdisant au-delà de six semaines, un délai insuffisant le plus souvent pour diagnostiquer une grossesse.

Une euphorie de courte durée

Quand la Cour suprême a pris cette décision, la plupart des ténors du Parti républicain ont exulté, célébrant la victoire si longtemps attendue, dans leur camp, du “droit à la vie” sur la “liberté de choix”. Pour les milieux les plus conservateurs, et pour la droite religieuse en particulier, la croisade morale devait l’emporter sur toute autre considération. Certains, dont notablement Donald Trump, avaient, cependant, prévenu que l’initiative pouvait avoir un effet boomerang.

C’est ce qui s’est effectivement produit aux législatives de 2022. Les analystes attribuent à la défense de l’IVG la performance remarquable des Démocrates, totalement inhabituelle pour un parti au pouvoir à des élections de mi-mandat. Ils ont réussi, rappelons-le, à conserver leur majorité au Sénat, à limiter la casse à la Chambre des représentants et, qui plus est, à reprendre le contrôle des Assemblées locales dans des États clés comme le Michigan.

Tout indique que la tendance est appelée à se poursuivre. Lors d’une récente réunion de donateurs du Parti républicain à Nashville, Kellyanne Conway, l’ex-influente conseillère de Donald Trump, a jeté un froid en faisant circuler un sondage révélant que 80 % des électeurs désapprouvaient la révocation de « Roe v. Wade ». Douterait-on chez les Républicains, de sa crédibilité que l’élection d’un juge à la Cour suprême du Wisconsin (un “swing state” crucial) en a apporté une confirmation, début avril, avec la victoire inattendue de la candidate démocrate Janet Protasiewicz, favorable à l’avortement.

Des présidentiables dans l’embarras

Cette situation complique la stratégie des candidats républicains à la prochaine présidentielle. Ils savent devoir donner des gages à la frange conservatrice de leur électorat pour espérer remporter les primaires, mais il leur faudra ensuite lâcher du lest pour gagner une élection générale qui se joue traditionnellement au centre. Sans doute les prétendants à la Maison-Blanche sont-ils tous appelés à pratiquer ce genre de grand écart sur différents thèmes électoraux. S’agissant d’une question aussi sensible, qui a pris par ailleurs une si grande importance (c’était le facteur déterminant du vote pour beaucoup d’électeurs en 2022), la contorsion semble néanmoins douloureuse, sinon impossible.

On le mesure aux louvoiements des principaux candidats, déclarés ou potentiels, quand on les invite à préciser leur position sur l’IVG, au-delà des déclarations de principes. Donné largement favori dans les sondages, Donald Trump se retranche prudemment derrière les prérogatives des États, en se flattant d’avoir été le premier, en un demi-siècle, à leur avoir permis de retrouver ce pouvoir grâce à ses nominations décisives à la Cour suprême.

Un duel entre Trump et DeSantis

Pour les plus déterminés des défenseurs du “droit à la vie”, cette approche est perçue comme une lâcheté. Ils réclament une opposition sans réserve à l’avortement et ne peuvent qu’être séduits par l’attitude du principal rival de l’ancien Président, Ron DeSantis. Le gouverneur de la Floride, qui ne s’est pas encore déclaré, mais dont la candidature ne paraît pas faire de doutes, a récemment promulgué une interdiction des IVG après six semaines. Une nouvelle loi qui durcit l’interdiction après quinze semaines qu’il avait déjà approuvée un an plus tôt.

Face à ces deux positionnements, les autres candidats cherchent une hypothétique troisième voie. L’exercice est délicat, et plus encore quand, comme Nikki Haley, on est une femme. L’ex-gouverneure de la Caroline du Sud, qui brigue l’investiture républicaine, s’est jusqu’ici contentée de botter en touche en estimant qu’il fallait trouver la meilleure solution “pour le bien des bébés et pour le bien des mamans”.