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La Russie présente un nouveau missile balistique intercontinental capable d’atteindre les États-Unis: « C’est presque rassurant »

Sur fond de guerre en Ukraine, cette démonstration pourrait alerter mais, pour Alain De Neve, analyste de défense à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), cet acte s’intègre dans le “langage de dissuasion de Vladimir Poutine”.

Être crédible pour dissuader

Pour Alain De Neve, cette exposition du missile se fait dans un cadre précis d’amélioration des technologies nucléaires : “depuis les années 2010, Vladimir Poutine a insisté sur la modernisation des dispositifs nucléaires stratégiques russes”. D’après l’analyste, cette arme nucléaire RS-24 Iars ne se rajoute pas à l’arsenal déjà existant, mais vient remplacer les précédentes versions. “Les missiles ont aussi des dates de péremption”, précise-t-il. Le président russe a lui-même indiqué que ce système de missile venait remplacer l’ancien missile balistique intercontinental Topol-M.

Par cette parade, Vladimir Poutine veut à la fois démontrer la modernité de son arsenal nucléaire et envoyer un message clair à ses adversaires. “Il utilise le langage de la dissuasion nucléaire”, explique Alain De Neve.

L’amélioration de ces technologies et leur modernisation jouent sur la crédibilité de la Russie : si le pays est crédible sur le plan militaire, la force de dissuasion est maintenue. L’analyste ajoute : “tant que le langage de dissuasion nucléaire de Vladimir Poutine repose sur de la démonstration, c’est presque rassurant”.

Compenser le négatif

Pour Nicolas Gosset, chercheur à l’IRSD, cette mise en scène technologique est une gesticulation de la Russie. Il explique que ce n’est pas une nouveauté et qu’elle s’inscrit dans un cadre précis de certaines défaites du pays : “la Russie est incapable de faire des annonces positives sur le terrain, donc il y a une démonstration matérielle et technologique”. Au rang des annonces négatives, le président russe a d’ailleurs récemment dû admettre que les sanctions internationales peuvent avoir un effet sur l’économie du pays.

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Triade nucléaire

Cette démonstration de force nucléaire est aussi à mettre en lien avec la récente annonce du président russe du déploiement d’armes nucléaires tactiques au Bélarus.

Les deux évènements s’intègrent dans le concept de “triade nucléaire”, comme l’explique Alain De Neve : une force de frappe de courte portée, de longue portée et une capacité sous-marine à tête nucléaire, comme le Poséidon ou le Burevestnik.

New Start

En 2010, les États-Unis et la Russie ont signé un accord bilatéral de désarmement nucléaire. Ce traité, le New Start, avait pour objectif de limiter les arsenaux nucléaires des deux pays, réduire le nombre de lanceurs et de bombardiers, mais aussi d’effectuer des inspections de sites militaires. Fin mars 2023, Vladimir Poutine a annoncé la suspension de la Russie à ce traité.

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Comme l’explique Alain De Neve, cette situation pose des problèmes de transparence nucléaire pour les Américains : “le seul bémol, c’est qu’avec le retrait de la Russie du traité New Start, les observateurs américains ne peuvent pas vérifier la capacité nucléaire russe. Il y a un flou”. Pour l’analyste, la Russie semble quand même notifier ses essais nucléaires aux Etats-Unis malgré le retrait.

La démonstration russe de son missile balistique intercontinental n’est donc qu’une façon de dissuader ses adversaires. Alain De Neve l’affirme : « il n’y a rien de neuf sous le soleil pour les observateurs du nucléaire”.