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Faut-il vraiment craindre un risque biologique au Soudan, après la prise de contrôle d’un laboratoire de Khartoum par des combattants?

Alertée, mardi, du « risque biologique énorme », l’agence onusienne s’est en effet dit « préoccupée par l’occupation du laboratoire central de santé publique par l’une des parties au conflit ». D’après son directeur général, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, « les techniciens n’ont plus accès au laboratoire, ce qui signifie que le laboratoire n’est plus en mesure de remplir sa fonction normale de diagnostic et de référence. Nous craignons également que les personnes qui occupent le laboratoire ne soient accidentellement exposées aux agents pathogènes qui y sont stockés ».

L’OMS s’inquiète d’un risque biologique “très élevé” au Soudan

Des risques limités

À ce stade, et en connaissance de ces quelques éléments, que peut-on dire du risque encouru? « Sans vraiment connaître la structure de ce laboratoire, il n’est pas évident d’évaluer les risques, nous dit, prudent, Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l’ULB. Ceci étant, sachant que, généralement, la plupart des agents pathogènes sont conservés congelés dans les laboratoires, que ce soit dans des congélateurs ou des tankers à azote, en principe, ils sont relativement stables. Et en cas de coupures de courant, ces congélateurs sont normalement conçus pour rester à la même température plusieurs jours. Si personne n’ouvre ces frigos, les pathogènes n’ont aucune raison d’en sortir et de contaminer les gens. Et, le cas échéant, une fois dégelés, ils seront détruits dans la plupart des cas.« 

Et si on les manipule? « Alors oui, en effet, on peut envisager une contamination et une dissémination locale de certains pathogènes, admet le biologiste. Les militaires pourraient s’exposer accidentellement, on ne peut l’exclure.« 

Quant au fait d’utiliser ces micro-organismes comme arme biologique, « je dirais qu’ici aussi, le risque reste relativement limité dans la mesure où beaucoup de pathogènes ne sont pas utilisables comme armes, parce qu’ils ne sont pas stables ou difficiles à disséminer. Mis quelques minutes sur une surface à l’air libre, le HIV, par exemple, ne survit pas. »

De plus grands risques

Si le risque de rougeole ou de polio a bel et bien été évoqué par l’OMS, « il ne semble pas être question de variole ou d’anthrax, censés être limités aux laboratoires militaires ou de très haute sécurité, fait remarquer Eric Muraille. En l’occurrence, il ne s’agirait pas d’un laboratoire de sécurité de niveau 4 (le plus élevé), où l’on trouve la variole, Ebola… Si c’était le cas, il s’agirait effectivement d’une alerte majeure. Ici, en ce qui concerne les agents pathogènes conservés dans ce laboratoire, il existe en principe des vaccins et/ou des traitements » .

Si risque – relativement limité – il y a malgré tout, pour le biologiste, « on court de plus grands risques avec la destruction des infrastructures sanitaires, l’arrêt des tests de dépistage et de surveillance des épidémies. Mais cela est lié à tous les conflits« .

Et de fait, outre les décès liés aux affrontements, l’OMS redoute les morts causées à terme par les épidémies, le manque d’accès à l’eau, à la nourriture, aux services de santé, à la vaccination…

Une crise humanitaire majeure se dessine au Soudan