France

Réforme des retraites : Emmanuel Macron peut-il gouverner en « saucissonnant » les projets de loi ?

Emmanuel Macron cherche une porte de sortie. Englué dans la crise provoquée par le passage « en force » de sa réforme des retraites, le chef de l’Etat a tenté de se projeter sur la suite du quinquennat, mercredi, lors de son entretien aux JT de 13 heures de TF1 et France 2. Le président assure avoir demandé à Elisabeth Borne « de bâtir un programme législatif, un programme de gouvernement, (…)pour avoir à la fois moins de textes de loi, des textes plus courts, plus clairs, pour aussi changer les choses pour nos compatriotes de manière plus tangible ». Cette stratégie vise à trouver une majorité tantôt avec la gauche et tantôt avec la droite de l’Hémicycle. Peut-elle s’avérer payante ?

« Macron fait de la tactique et du bidouillage »

Le projet de loi immigration, que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, prépare depuis près d’un an, est le premier à faire les frais de cette nouvelle donne. Le texte, qui devait être examiné la semaine prochaine au Sénat, sera finalement « découpé » en plusieurs parties. Dans un courrier adressé à Gérard Larcher, dont l’AFP a eu copie, la Première ministre, Élisabeth Borne, assure chercher « la meilleure méthode afin d’avancer au plus vite […] sans mettre en cause les ambitions […] tant sur le volet contrôle de l’immigration que sur le champ de l’intégration ». En clair, l’exécutif pourrait ne conserver que certaines mesures pour espérer trouver des alliés à droite de l’hémicycle sur le premier volet, et à gauche sur le second.

Mais cette perspective a déjà été critiquée par les oppositions. « Il n’est pas question (…) d’un texte qui soit saucissonné », a répondu jeudi sur LCI le président LR du Sénat. « Emmanuel Macron s’aperçoit enfin qu’il n’a pas de majorité et fait donc de la tactique et du bidouillage. Il veut couper un texte important par petits bouts pour trouver une majorité à droite et ensuite à gauche. C’est de la politique par le petit bout de la lorgnette », abonde Eric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes. Au sein de la gauche aussi, plusieurs élus ont fait part de leur mécontentement face à une « méthode assez baroque ».

« On l’a fait avant, on va continuer »

Mais dans la majorité, on ne désespère pas d’avancer sur les prochains projets de loi qui seront présentés au Parlement. « On l’a fait avant, on va continuer à le faire. A travailler sur des textes plus courts, plus concentrés, qui permettront aussi aux parlementaires d’amender et de débattre. Force est de constater que malgré notre majorité relative depuis cet été, on a fait voter avec la droite ou la gauche des textes sur le pouvoir d’achat, sur les énergies renouvelables, sur les violences faites aux femmes, sur le nucléaire… », énumère Prisca Thévenot, députée des Hauts-de-Seine et porte-parole de Renaissance.

Malgré les annonces du chef de l’Etat sur la nouvelle méthode, le camp présidentiel n’imagine donc pas de révolution au sein des deux Chambres. « Le président veut croire qu’avec cette majorité relative, on peut avancer, notamment sur le futur texte sur le travail, celui de la réforme de la justice et sur l’industrie verte », assure François Patriat, patron des élus Renaissance au Sénat. « Si dans les mois qui viennent, la démonstration est faite qu’on ne peut plus légiférer, à ce moment-là, il faudra prendre une décision », ajoute-t-il, évoquant un remaniement voire une dissolution. Reste une solution, évoquée brièvement par Emmanuel Macron mercredi. « Tout ne passe pas par la loi et on passe trop par la loi dans notre République », a-t-il déclaré.

Le président envisage-t-il de gouverner parfois sans avoir à passer par le Parlement ? « Chaque député veut maintenant une loi à son nom, il y a trop de propositions de loi qui ne servent à rien. Donc tout ce qu’on peut faire par décret, pour faciliter la vie des Français, doit être fait », répond François Patriat. Une piste qui a également fait bondir les élus d’oppositions.