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Des milliers d’Israéliens vent debout contre la réforme de la justice

Dès jeudi matin, une petite flottille composée de kayaks de mer a tenté de bloquer le grand port de Haïfa, en Galilée. Plus tard, c’est l’aéroport qui a été la cible de la contestation, en réaction au déplacement de M. Netanyahou en Italie, la “cavale du dictateur” comme l’ont appelé certains internautes. Son vol a été retardé de trois heures.

Dictateur : c’est le nom que ces manifestants donnent désormais au chef du Likoud. Pour eux, ce dernier est coupable d’avoir donné les pleins pouvoirs à des extrémistes simplement pour se mettre à l’abri des poursuites judiciaires.

Le coup de fouet des réservistes

Dès les premières heures du jour, dans tout le pays, on pouvait voir des grappes de gens se diriger vers les intersections, drapeaux israéliens sur l’épaule. “Il y a quelques mois encore, le drapeau était un symbole de droite. Aujourd’hui, cela représente la démocratie”, se félicite Yaïr Fink, militant de longue date du parti travailliste qui fait aujourd’hui partie de la coalition d’organisateurs. Cet effort a reçu un coup de fouet avec l’entrée en lice des réservistes.

Cette semaine, l’annonce que 37 des 40 pilotes d’un escadron d’élite allaient se retirer d’une journée d’exercice par protestation a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Dans un pays où la conscription touche toute la population juive, cette politisation du front uni de la nation est inédite. C’est une honte, pour la droite comme pour une certaine partie de la gauche ; une nécessité pour le groupe Frères d’armes, devenu en peu de temps une composante essentielle du mouvement.

Le collectif a organisé une des dernières actions du jour devant la résidence du ministre de la Défense Yoav Gallant, à Amikam, dans le nord du pays. Ce faucon du Likoud, partisan d’une politique très dure envers les Palestiniens, fait aujourd’hui figure de modéré, dernier rempart contre la folie colonisatrice de ses collègues suprémacistes.

“Militarisation” de la cause

Iddo a 50 ans, il est venu dans ce petit village pastoral depuis la banlieue de Tel-Aviv, “parce que c’est le pays lui-même qui est en danger”. À côté de lui, une jeune femme porte un poster de Theodor Herzl, une larme à l’œil. Cette mobilisation, c’est la première action politique d’Iddo. “C’est une façon de montrer aux gens qui comptent, aux pilotes, à la Cour suprême, qu’ils ont un soutien populaire. Pour les aider à faire le choix difficile d’être du bon côté de l’histoire”. “Gallant, aide-nous” implore un de ses anciens compagnons au micro. “Frères ! Frères ! Frères !”, scande l’audience. Les drapeaux israéliens se mélangent aux drapeaux de régiments. Dans les discours, des références marquées à l’histoire martiale d’Israël – et aussi au romantisme de la vie de barbouze, au fourbi, au café dans la nuit de guet, aux opérations dans les villes palestiniennes. À point nommé, des volontaires dispensent du café à la turque.

Cette “militarisation” de la cause se démarque du ton adopté jusqu’ici, qu’on retrouvait encore à Tel-Aviv dans l’après-midi : la police a gardé son calme, essuyant sans broncher le slogan “où étiez-vous à Houwara”. Cette ville palestinienne où des colons israéliens ont mis le feu à des voitures et des habitations sous les yeux de l’armée après le meurtre de deux jeunes Israéliens la semaine dernière, est devenue un symbole de résistance pour les manifestants, un cri de rage anti-système.

Une autre loi controversée

Certains, comme Alon-Lee Green, cofondateur du mouvement de coexistence socialiste Omdim BeYachad (Debout ensemble), espèrent que cela pourrait mener à une confluence des luttes. “Nous manifestons pour nos vies, notre sécurité et par extension contre une occupation militaire qui s’approfondit”, explique-t-il. “Ce gouvernement porte la réforme judiciaire mais il essaie aussi d’annexer la Cisjordanie, et il préside à la période la plus violente en Cisjordanie depuis la seconde intifada. Penser que tous ces problèmes ne sont pas liés, c’est une erreur monumentale “.

Alors que les manifestations faisaient rage, la Knesset continuait son travail : la réforme judiciaire occupe toute l’attention, mais elle n’est pas la seule loi controversée. Ainsi, un texte annulant le ‘désengagement’ de plusieurs colonies en Cisjordanie est passé devant le comité des Affaires étrangères jeudi. “Nous avons appris quelque chose de la sortie de Gaza”, s’est félicitée la journaliste Shirella Loom, commentatrice sur la chaîne 14, rangée à droite, “les manifestations ne servent à rien. Il faut se concentrer sur les centres du pouvoir