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Indian Wells : Son retour, les JO, la retraite… Gaël Monfils veut « kiffer » mais sait que « la fin est là »

Il vient de perdre sèchement en une petite heure contre le 87e mondial, mais Gaël Monfils semble serein. Zen, même, et lucide sur la difficulté de l’objectif « hyper élevé » qu’il s’est fixé de participer aux JO de Paris l’an prochain. Après sa défaite mercredi soir face à l’Australien Jordan Thompson au premier tour d’Indian Wells, en Californie, le Francilien espère enchaîner « par des (tournois) challengers, s’il faut, pour remonter » au classement. Mais le nouveau papa qui sort d’une blessure au pied, aujourd’hui 210e mondial (et 20e français), l’a confié à une poignée de journalistes français : « Je sais que si je me reblesse, c’est fini ! »

Comment analysez-vous cette défaite, après sept mois sans jouer ?

J’étais un peu trop court, avec un match dur dans des conditions assez difficiles. Il y avait beaucoup de vent, il faisait froid. J’avais du mal à faire des points. J’ai fait énormément de fautes directes, 33. Mais la balle sortait bien de ma raquette. J’ai pas fait « d’énormes fautes ». C’est des fautes de 50 cm, bien frappé. Il me faut des réglages, de la confiance. Après, c’est juste un match. Y a des semaines, tu joues bien, d’autres mal. Ça va se voir dans les enchaînements.

Comment vous sentez-vous, physiquement ?

Je suis bien, je suis content. J’ai pris le temps qu’il fallait pour mieux me sentir, être bien dans mes appuis, dans mes frappes, dans mon corps. Les gens oublient que la blessure est en général le premier truc qui se soigne. Après, le reste tu reprends, le coude, le poignet, les genoux, l’épaule. Il fallait de la patience pour bien revenir et être compétitif.

Avez-vous encore de l’appréhension après cette blessure au pied ?

Avec la manière dont je me suis blessé, à mon âge, t’as forcément un peu d’appréhension. J’aurais préféré me blesser sur un gros appui. Mais je me suis blessé sur un appui anodin, limite je marchais et ça a pété, et donc c’est pas pareil. J’ai mis beaucoup de temps pour m’enlever cette appréhension pour m’entraîner, pour bien bouger. Tu peux dire ce que tu veux : j’en ai parlé, j’ai tout fait, mais quand t’arrives au match, t’es obligé de te battre un petit peu contre tes démons.

Les Américains vous apprécient et sont venus voir vos entraînements, que ressentez-vous ?

Ça fait bizarre ! Je dirais pas que j’avais changé de vie, mais j’avais une autre dynamique. Je me retrouve dans un grand tournoi. Tu apprécies différemment l’amour des gens, mieux même. Ça te fait encore plus chaud au cœur de voir que les gens t’ont pas vraiment oublié.

Les JO restent l’objectif ?

Les gens oublient, j’ai 36 ans, j’ai ma gamine. C’est plus dur. J’ai perdu, je vais repartir à l’entraînement. Il faut le faire. J’ai envie. C’est pas que je me force mais là, c’est cool, j’ai une bonne team, je me pousse. Je reviens parce que j’aime jouer au tennis, et ça me fait kiffer, mais la fin est là. Quand t’as été un bon sportif, tu te mets un objectif assez élevé pour te motiver. Mon objectif, qui est hyper élevé, c’est d’aller aux JO l’année prochaine. Mais si je me mets pas d’objectif, c’est fini. Si j’arrive pas à gagner de match, ça sera beaucoup plus dur à atteindre. Un objectif, ce n’est pas quelque chose qu’on est sûr d’avoir. Si ça se trouve, je vais même pas revenir dans les 100. Mais au moins je me serai battu. C’est mon moteur.

Avez-vous pensé à arrêter après cette blessure ?

Non ! Sportif, on n’a jamais envie d’arrêter blessé. On a tous envie d’arrêter comme Pete (Sampras) en gagnant un Grand Chelem… Bon, au moins un gros tournoi. Y a jamais vraiment une fin déterminée. Le corps décide, mais aussi la tête. L’envie de faire des sacrifices. Certaines personnes pensent que c’est facile (d’être un athlète de haut niveau), mais c’est un vrai sacrifice. Cela fait plusieurs années que j’en fais beaucoup. Et là, pour revenir, ça a été dur pour moi. Dur en tant qu’homme. Ça m’a donné beaucoup d’expérience dans ma vie personnelle. Le seul bonheur dans le négatif, c’était d’être avec ma femme et ma fille, mais le reste, c’était que du sacrifice. Il faut se donner, se donner. On est médiatique, on a nos propres attentes, mais les gens aussi.

Pensez-vous à l’après ?

Le fait d’être papa, d’avoir ma famille, d’avoir une vie normale, de faire d’autre chose qu’être un sportif professionnel, j’ai aimé. J’ai envie de préparer mon après carrière. Limite, ça m’a vachement tiraillé car j’ai envie d’être actif. Mais il faut pas trop y penser quand même, il faut aller sur le tapis, courir. Mais demain, avoir une vie normale, aller taffer sur des trucs que j’aime, voir ma fille grandir… (pause). Ça fait 20 ans que je suis sur le circuit, j’ai plus rien à prouver. Je kiffe, je suis content. Allez, je me fais un dernier Roland à la Jo. Je passe du temps avec Jo (Tsonga), je vois, il kiffe (la retraite). J’appelle Gillou (Simon), il kiffe. Y a un moment où tu penses au truc. T’as des vraies questions d’homme. Et c’est pour ça, je dis « Je veux kiffer ». Je suis prêt à faire des choses mais j’irai pas dans des trucs sordides. J’irai où j’ai bien aimé. S’il faut aller faire des « chall », j’irai car j’ai envie de remonter. Mais si je sens que je l’ai plus l’envie, je dirai assez rapidement que je l’ai plus.

Avez-vous des doutes ?

Y a un truc dont j’ai peur. Je sais que si je me reblesse, c’est fini. Je sais que je suis sur un fil. Si je me blesse deux ou trois, mois, c’est rideau.