International

Charles Michel : « Nous ne serons jamais ingrats envers les Etats-Unis »

Emmanuel Macron sème la confusion sur la position de l’Europe face à la Chine (et face aux Etats-Unis)

Alors, le président français a-t-il été imprudent, en suggérant de rester à équidistance entre Pékin et Washington ? “Il a dit l’inverse”, dément Charles Michel, qui explique qu’“évidemment, il n’y a pas d’équidistance”. Et prend le soin d’insister – bien plus que M. Macron – sur l’“alliance puissante, l’amitié très forte, la convergence de valeurs avec les États-Unis.” C’est surtout “une relation émotionnelle, affective, liée aux racines de ce projet européen. Nous savons ce que nous devons aux Américains pour notre liberté”, rappelle Charles Michel en référence à la Deuxième guerre mondiale. “Nous ne serons jamais ingrats. Mais nous avons aussi un destin, nous avons à défendre nos intérêts.”

Qui ne sont pas “toujours exactement identiques à ceux des Américains”. Et de citer l’Inflation Reduction Act, un plan massif de subventions qui risque de mettre à mal la compétitivité des entreprises européennes (ou de les attirer Outre-Atlantique). M. Michel se réfère aussi au retrait des Américains d’Afghanistan, décidé “sans concertation” avec les Européens. Ou rappelle que les États-Unis de Donald Trump se sont retirés de l’accord de Paris sur le climat (avant d’y revenir sous Joe Biden). “Aurait-il fallu les suivre ? Non bien sûr.” La preuve qu’une relation forte avec Washington “ne veut pas dire que sur tous les sujets, on a la même position. Heureusement.”

Allons-nous vers un monde bipolaire ou multipolaire ?

Quid de la Chine ? Le Belge veut croire à l’importance “des dialogues directs, du corps à corps”, lui qui défend l’intérêt de son déplacement à Pékin. “Ce n’est pas en faisant des interviews depuis un bureau à Bruxelles que le message va passer.” Encore faut-il que l’UE sache ce qu’elle veut dire à la Chine. Le discours de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen à ce sujet “est une contribution, ce n’est pas encore la position de l’UE”, rappelle M. Michel, tout en concédant qu’elle y a exprimé “beaucoup de points de convergence entre les leaders européens”, notamment sur le besoin de pallier les risques que pose la Chine, sans s’en découpler. Il faut “rééquilibrer les relations” avec Pékin, “rester ferme sur la question des droits de l’homme” et traiter avec la Chine de “sujets globaux” (changement climatique, santé, guerre en Ukraine…)

Car “des choix fondamentaux vont devoir être faits et on n’a pas le droit de faire preuve de cécité. Des choix fondamentaux qui vont définir si nous allons de nouveau vers un monde bipolaire, de confrontation, dangereux avec des risques de guerre mondiale, pour être tout à fait clair. Ou bien vers un monde multipolaire, où l’Union européenne n’est pas simplement un terrain de jeu pour les batailles des autres (économiques, sécuritaires, politiques, de narratif…). Où elle est un acteur influent, grâce à l’autonomie stratégique. Qui n’est pas un repli sur soi, parce que ça suppose des partenariats, des alliances engagées avec le reste du monde.”

Charles Michel : “On me reproche d’en faire trop, je préfère ça qu’on me reproche de ne pas en faire assez”