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Accusé de harcèlement, Dominic Raab rend son tablier de vice-Premier ministre du gouvernement britannique

Brimades, insultes et humiliations

L’affaire Raab débute le 15 novembre 2022. Une plainte pour harcèlement moral est déposée suite à son comportement à son poste actuel. Lors du mois qui suit, sept autres plaintes sont déposées, qui s’étalent sur l’intégralité de sa carrière gouvernementale : Dominic Raab fut successivement ministre en charge du Brexit (2018), des Affaires étrangères (2019-2021) et enfin de la Justice (depuis 2021). Dès leur révélation, l’accusé a réclamé le lancement d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur ce qu’on lui reproche.

Rishi Sunak nomme un avocat pour établir si son ministre a respecté le code ministériel. Ce document réclame des ministres qu’ils “traitent tous ceux avec qui ils sont en contact avec respect et considération”, rappelant que “harcèlement, brimades ou autres comportements inappropriés ou discriminatoires […] ne seront pas tolérés.” Est considéré comme harcèlement “un comportement offensant, intimidant, malveillant ou insultant ; ou un abus ou un détournement de pouvoir de manière à miner, humilier, dénigrer ou blesser le destinataire”.

Le rapport conclu que Dominic Raab a rompu le code ministériel à plusieurs reprises. Ainsi, “il a agi de manière intimidante, en adoptant un comportement déraisonnablement et constamment agressif dans le cadre d’une réunion de travail. Il s’agit également d’un abus ou d’une mauvaise utilisation du pouvoir d’une manière qui sape ou humilie. Il a introduit un élément punitif injustifié. Son comportement a été ressenti comme une atteinte ou une humiliation par la personne concernée, ce qui était inévitable. ”

Pas de remise en question

”J’avais demandé cette enquête et m’étais engagé à démissionner si elle établissait des faits de harcèlement, quels qu’ils soient. Je crois qu’il est important de respecter ma parole”, écrit M. Raab dans sa lettre de démission. Dans le même courrier, il ajoute néanmoins que l’“enquête a créé un dangereux précédent” en plaçant un “si bas le seuil du harcèlement” et considère donc “ses conclusions erronées”. Dans un article publié dès vendredi après-midi dans The Telegraph, la Bible quotidienne des électeurs traditionnels du parti conservateur, il qualifie cette affaire de “saga kafkaïenne” grossie par la tenue d’“un tribunal médiatique pendant six mois”.

Impossible de trouver dans ces deux textes las la moindre once de remise en question. Il estime au contraire que “les gens dans ce pays paieront le prix” de ce type de poursuites injuste contre des ministres dévoués à leur pays, qui “négocient fermement au nom du pays, poursuivent des réformes audacieuses et persévèrent à demander des comptes aux fonctionnaires”. Une perception soutenue par Rishi Sunak, qui dans sa lettre d’acceptation de la démission de Dominic Raab, a assuré qu’“il est évident qu’il y a eu des lacunes dans le processus” de l’enquête.

Le discours sur la mauvaise foi des agents de la fonction publique ou des employés de ministères revient en boucle ces dernières années dans la bouche des conservateurs brexiters. Ils seraient les victimes d’un complot ourdi par “l’élite” intellectuelle et bourgeoise pro-européenne. En plus des fonctionnaires, journalistes, universitaires et vedettes “bien-pensants” s’y retrouvent. Leurs buts, pêle-mêle : affaiblir le Royaume-Uni, saboter le Brexit et diluer l’identité britannique.

S’il ne fait guère de doute que Boris Johnson fut la proie d’une chasse à l’homme plus ou moins coordonnée, et qu’il était haï par certains parce que considéré comme responsable du Brexit, Dominic Raab n’a jamais figuré au rang de cible. Surtout, selon certains agents de la fonction publique ayant travaillé avec lui, la conclusion du rapport l’incriminant est totalement “méritée”, tant son comportement était incompatible avec un travail en groupe serein.