France

Une retraite en politique : « À 30 ans, je n’aurais pas voulu ça », lance le maire de Martigues, 80 ans

Un rire sort du haut-parleur du téléphone. À l’autre bout du fil, Gaby Charroux, 80 ans, actuel maire PCF de Martigues (Bouches-du-Rhône) et député de 2012 à 2017. « Mes dernières vacances ? La semaine dernière. Et j’en ris parce que j’ai fait une bronchite carabinée, je les ai passées au lit ». Cette semaine, il enchaîne les rendez-vous et prépare le conseil municipal de vendredi. À 80 ans, l’élu n’entend pas pour autant raccrocher dans l’immédiat, quoique ce mandat sera son dernier précise-t-il. Pourtant, il s’oppose à la réforme des retraites. Un communiste qui continue à travailler bien après l’âge légal de départ à la retraite, voilà qui pourrait paraître cocasse.

Mais sa retraite, il l’a bien prise et avec tous ses trimestres. « À 60 ans, d’ailleurs », fait remarquer Gaby Charroux, retraité de l’Education nationale, directeur d’un Centre d’information et d’orientation en fin de carrière. Il intègre l’équipe municipale en 1989 comme conseiller délégué à la jeunesse. « Quand Paul Lombard est venu me solliciter, j’étais très très loin de la politique. Je ne me suis jamais dit que je voulais faire ça. J’avais des engagements associatifs, syndical, au Snes – comme délégué à la commission paritaire. A l’époque, j’étais un peu l’ouverture sur la société civile, comme on dit », rembobine l’élu. Premier adjoint en 2008, il devient maire en 2009, à la faveur de la démission de Paul Lombard. Gaby Charroux est alors à la retraite depuis sept ans.

Trois ans plus tard, il est élu député, un peu par hasard, à l’écouter : « Mon prédécesseur, Michel Vaxès avait fait trois mandats et voulait s’arrêter. On m’a dit : ‘ce serait bien pour garder le siège que ce soit le maire de Martigues qui se présente’. J’ai dit : ‘ah bon, ben allez’ ». Ce sera « un mandat de transition », il laisse sa place en 2017 à Pierre Dharréville (PCF), réélu l’an dernier. « On m’a dit : ‘t’es bête. Député, c’est moins de souci que maire d’une commune de 50.000 habitants’, mais je préférais ça ».

« Au bistrot jouer aux cartes, peu pour moi ! »

Pour autant, Gaby Charroux ne s’est jamais considéré comme un professionnel de la politique. « La politique ne devrait pas être une profession. Je ne veux pas de polémique, chacun fait ce qu’il entend de sa vie, mais je n’ai pas une grande considération pour les permanents de la politique », exprime-t-il.

Si Gaby Charroux n’avait jamais songé à une carrière d’élu, la politique s’est néanmoins chargée, très tôt et bien malgré lui, d’être un moteur de sa vie. Né à Alger, il est contraint de quitter le pays en 1962 avec son indépendance. « J’ai grandi au milieu de femmes. Mes deux grands-pères sont morts à Verdun pendant la Guerre de 14-18. Mon père est décédé dans la bataille de Montecassino, en Italie, au début de l’année 1944. Je ne l’ai pas connu, j’avais un an », souligne-t-il. Gaby Charroux a 18 ans lorsqu’il débarque seul à Marseille avec sa mère et sa compagne, aujourd’hui encore son épouse. « Il fallait bien gagner sa vie, avoir un gagne-pain. Je ne pouvais pas concevoir ne pas avoir de profession ».

Plus encore, « à 30 ans, je n’aurais pas voulu faire de politique », jure-t-il lorsqu’on le lui demande. « Les gens qui deviennent professionnels de la politique se coupent de la vraie vie, voilà le danger ! », enchaîne l’ancien député. Celle « avec les emmerdes et les bonheurs, une vie d’activité professionnelle, associative, familiale, ou une vie sans activité si on ne veut rien faire du tout, voilà la vraie vie ».

Reste cette question, son activité de maire est-elle du travail ? « Moi, le jour où j’en ai assez, je dis au revoir tout le monde. Voilà la grande différence. » Gaby Charroux pourra alors, si ce jour advient, s’en retourner à d’autres engagements. « Je n’ai pas la conception d’un temps libre sans activité, ou alors pour faire quoi ? Aller rencontrer les copains au bistrot jouer aux cartes, peu pour moi ! Toute ma vie ça a été d’aider les gens : voilà mon bonheur », résume celui qui fut tour à tour et parfois en même temps enseignant, entraîneur de volley-ball, conseiller d’orientation, député et maire aujourd’hui.