France

Un maire dénonce la consommation d’eau des VIP en pleine sécheresse

Sécheresse ou pas, certains résidents de Châteauneuf-Grasse, dans les Alpes-Maritimes, ne se soucient pas de leur consommation d’eau. D’où le coup de gueule, vendredi dernier du maire de cette commune, qui compte Silvio Berlusconi ou encore Albert II, ex-roi des Belges, parmi ses VIP.

« En recevant la liste des trente plus gros consommateurs d’eau de la commune, je me suis aperçu qu’il y avait plusieurs grandes propriétés qui y figuraient », a témoigné Emmanuel Delmotte, sans cibler de nom en particulier.

Entre 1.000 et 2.000 m3 par semaine

Selon les déclarations de l’élu à Libération, qui a révélé l’information dimanche, parmi ces particuliers dont les propriétés s’étendent sur 20 ou 30 hectares figureraient « des Premiers ministres, des rois, des ministres, d’anciens présidents du conseil, surtout étrangers ». Dont Silvio Berlusconi, l’ancien chef du gouvernement italien, avait confirmé le maire.

La période concernée par ces relevés s’étale sur 17 semaines, d’avril à août 2022, alors que la région était alors en alerte sécheresse et que des arrêtés préfectoraux imposaient aux particuliers des mesures d’économie d’eau drastiques, notamment en matière de remplissage des piscines ou d’arrosage des jardins.

« Pendant cette période, la consommation de certains propriétaires est pourtant montée à 17.000 m3 d’eau, soit 1.000 m3 par semaine », a dénoncé le maire, en comparant avec les « à peine 2.000 m3 » de la maison de retraite communale et ses 120 lits. Dans certains cas, leur consommation d’eau hebdomadaire a même atteint les 2.000 m3. Et leur consommation réelle était sans doute supérieure, certains disposant de forages privés non comptabilisés, a précisé l’élu.

Si Albert II figure bien dans cette liste des gros consommateurs, c’est uniquement sur son compteur vert agricole, en tant que producteur d’huile d’olive notamment, mais pas pour son compteur personnel ou le remplissage de sa piscine, a insisté l’élu. De même, l’ex-souverain belge lui a assuré avoir réparé la fuite sur ses canalisations agricoles.

Des amendes insignifiantes « pour des gens comme ça »

« Pour des gens comme ça, les amendes de 1.500 ou 3.000 euros ne servent à rien », assure le maire. D’où l’idée, en lien avec le délégataire local de gestion de l’eau, le groupe Suez, de discuter directement avec ces gros consommateurs d’eau, pour les raisonner.

« On travaille avec les jardiniers pour qu’ils arrêtent d’arroser les pelouses l’été, ou pour privilégier la micro-irrigation plutôt que l’aspersion », explique-t-il, en saluant notamment les efforts du golf local qui a investi deux millions d’euros pour modifier le système d’irrigation de ses 50 hectares et utiliser de l’eau issue de stations d’épuration.

« On va voir si ces efforts portent leurs fruits », espère Emmanuel Delmotte, étonné d’avoir été le seul maire des 24 communes de la communauté d’agglomération de Sophia-Antipolis à s’exprimer sur ce sujet : « La liste de tous les gros consommateurs nous a été transmise, à la demande de la préfecture. Comment se fait-il que je sois le seul à sembler m’en soucier ? »

Cette prise de position de Delmotte intervient alors que le département est, de nouveau, placé au niveau sécheresse, voire « sécheresse renforcée », le troisième des quatre niveaux d’alerte, après le constat d’un déficit pluviométrique de 76 % en mars.

« L’an dernier, on avait dû couper l’eau à un agriculteur [de la commune]. Aujourd’hui, toutes mes sources sont déjà taries. Il y aura des coupures à faire si tout le monde ne respecte pas la réglementation. Mais à qui je coupe l’eau ? Au golf ? Aux agriculteurs ? Quand il n’y aura plus d’eau, il faudra la couper pour tout le monde », prévient-il. « Aujourd’hui, on achète de l’eau très cher au syndicat voisin, celui de Cannes », explique le maire de Châteauneuf-Grasse. « Mais ça ne va pas durer, car le lac de Saint-Cassien qui l’alimente se vide. Et au bout d’un moment ils voudront garder l’eau pour eux. »