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Tennessee : Deux élus noirs qui avaient manifesté contre les armes exclus, la parlementaire blanche sauvée

Les accusations de racisme ont fusé, jeudi soir, dans le Tennesee. Alors que trois élus démocrates étaient menacés d’exclusion du Parlement local pour avoir participé à une manifestation contre la violence des armes à feu dans l’enceinte du Capitole, après la fusillade dans une école de Nashville, le verdict est tombé sous les huées : les deux parlementaires noirs ont été exclus tandis que leur collègue, blanche, a sauvé sa tête d’une voix.

« Le Tennesee vient juste d’exclure deux mecs noirs mais pas la femme blanche. Ils ont tranquillement fait preuve de racisme », a réagi sur Twitter l’influent commentateur et avocat afro-américain Elie Mystal.

« Insurrection »

Justin Jones, Justin Pearson et Gloria Johnson avaient rejoint la semaine dernière des milliers de manifestants, dont beaucoup d’étudiants, qui avaient interrompu la séance parlementaire pour réclamer des nouvelles restrictions sur les armes à feu, après la tuerie dans une école primaire de Nashville qui a fait six morts, dont trois enfants de 9 ans. Devant le pupitre, les trois élus avaient scandé avec un mégaphone « Pas d’action, pas de paix » et « Le pouvoir au peuple ».

Le Speaker républicain de la Chambre avait qualifié leur action « d’insurrection », comparant la situation à l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, et un vote pour les exclure pour « trouble à l’ordre » parlementaire a été organisé.

L’élue blanche sauvée d’une voix

Dans un processus semblable à la destitution, il fallait un vote à la majorité des deux tiers (66 voix) pour exclure les élus. Ça ne s’est produit qu’à deux reprises depuis la fin de la guerre de Sécession, en 1980 et 2016 pour des cas de corruption et de harcèlement sexuel, et toujours avec des votes réunissant des élus des deux partis. Mais cette fois, seuls les républicains se sont engagés dans cette croisade.

C’est d’abord Justin Jones qui a été exclu avec un vote 72-25 pour. Dans la foulée, Gloria Johnson a échappé à la même sanction par une voix (65-30), avec quatre républicains qui ont changé leur vote. Puis Justin Pearson a, lui, été expulsé (69-26). Lors des débats, un républicain l’a accusé d’avoir « fait un caprice » pour « obtenir de l’attention », dans une tirade au racisme latent. « Vous avez tous entendu ça. Combien d’entre vous accepteraient qu’on leur parle comme ça ? », a répondu Pearson.

« Peut-être que cela a à voir avec la couleur de ma peau »

« Un élu qui a exprimé son opposition peut être exclu, c’est du jamais-vu au Tennessee. Ce n’est jamais arrivé dans notre histoire », a réagi Justin Jones à la télévision américaine. « Ce que le pays voit, c’est que nous n’avons pas de démocratie au Tennessee », a-t-il poursuivi. « Je vais continuer à les tenir pour responsables de leurs actions (…) Il ne s’agit pas seulement de moi, mais aussi d’essayer de réduire au silence et d’exclure le mouvement que nous essayons de porter. »

Interrogée après coup pour expliquer cette disparité, Gloria Johnson a répondu sans se cacher : « Peut-être que cela a à voir avec la couleur de ma peau »

« Trois enfants et trois responsables abattus dans une énième tuerie de masse. Et sur quoi se focalisent les élus du parti républicain ? Punir des élus qui ont rejoint des milliers de manifestants pacifiques réclamant des mesures », a fustigé le président américain Joe Biden sur Twitter. « C’est choquant, anti-démocratique et sans précédent », a-t-il ajouté.