France

Sécheresse : Pourquoi la région des Hauts-de-France est une des plus touchées par le manque d’eau ?

« On peut continuer à se développer, mais il faut être raisonnable », s’exclame Thierry Vatin, directeur général de l’Agence de l’eau Artois Picardie. Accompagné de cinq autres spécialistes des Hauts-de-France, il a tiré le signal d’alarme, lors d’un point presse, mercredi, à Lille. Voilà six ans que le manque d’eau se fait cruellement ressentir dans les nappes phréatiques.

Mais la mise en garde ne semble pas toucher suffisamment les citoyens. Pour preuve, les sous-sols sont à sec. Pourquoi la région, peu réputée pour son climat ensoleillé, était autant marquée par la sécheresse ?

La quasi-totalité des prélèvements se font sous terre

Tout d’abord, c’est une question géographique. A l’opposé, par exemple, de la région de la Nouvelle-Aquitaine, les Hauts-de-France sont un territoire plat. Il n’y a pas de montagne, donc pas de possibilité d’y récupérer l’eau. De fait, dans la région, la principale source d’eau se situe sous nos pieds : 95 % des prélèvements se font sous terre.

De plus, le stockage aquatique est perturbé par l’urbanisation. En effet, les Hauts-de-France sont une des régions françaises les plus industrialisées, que ce soit par l’installation d’usines ou le développement de la mécanisation agricole. Cette industrialisation a entraîné une modification des espaces naturels. Un sol bétonné empêche la terre de respirer. Même s’il pleut, l’eau ne peut donc pas atteindre le sol, et donc nourrir les nappes.

Par ailleurs, l’année 2022 a eu un effet dévastateur sur les nappes phréatiques : l’été avec 32 jours de vagues dont un pic de 41 °C à Lille, mais aussi, l’automne et l’hiver sec. Si on pouvait penser que la pluie de ces dernières semaines avait rattrapé le manque, en réalité, c’est loin d’être le cas. « Ces derniers évènements pluvieux ont, certes, pu reconstituer le sol, ce qui a été bénéfique pour la végétation et les agriculteurs, mais les nappes ne sont absolument pas remplies », affirme Julien Labit, directeur régional de l’Environnement (Dreal). Selon Thierry Vatin, « sur un volume de 530 millions de m2, une perte de 20 % des ressources d’eau s’est fait sentir dans les nappes phréatiques, soit 100 millions de m2 en moins ».

Des solutions possibles ?

« Nous, nous voulons réussir dans les domaines de l’eau, comme dans l’énergie cet hiver », explique Julien Labit. Selon la Dreal, trois solutions sont envisageables : la sobriété, l’optimisation de ressources, permettant de recharger les nappes phréatiques et la restauration du grand cycle de la nature. « On doit faire des économies tout au long de l’année, pas seulement l’été », avertit Thierry Vatin.

Selon Julien Labit, un Français consomme 150 litres d’eau par jour. Réduire son temps de douche à trois ou quatre minutes, permettrait de diminuer de 20 % la quantité d’eau utilisée. Côté agriculture, les experts privilégient de placer davantage de gouttes à gouttes pour irriguer les cultures. S’ajoute la préservation de haies, de tourbières (zones humides colonisées par la végétation) qui retiennent l’eau.

Côté industriel, ne pas installer des usines sur des terrains humides, privilégier la décarbonisation, les innovations et recherches adaptées à l’électricité. Des formations auprès des administrations, mais aussi à l’école sont en train de se déployer pour changer les comportements. Un moyen de sensibiliser les adultes de demain.