France

Réforme des retraites : « Sans nous, il n’y a pas de vacances », les saisonniers se mobilisent aussi en station

Comme d’autres corps de métiers, les salariés des remontées mécaniques feront grève mardi pour protester contre la réforme des retraites. Les syndicats FO et CGT du secteur ont annoncé qu’ils « porteraient la voix de tous les saisonniers », car très peu peuvent se mobiliser.

C’est le cas d’Emma, 23 ans, qui entame sa deuxième saison dans les Alpes. Cette réceptionniste ne pourra pas débrayer car elle n’est pas titularisée. « Difficile » de se mobiliser sans risquer d’être « virée ». En attendant, elle « soutient entièrement la cause ».

« Cette réforme m’inquiète »

« Cette réforme m’inquiète énormément, lâche-t-elle. Je suis jeune, ça concerne mon avenir. » Selon elle, « personne ne se rend compte de la difficulté du métier, encore moins le gouvernement qui oublie les saisonniers à chaque réforme ». Elle a fait le choix de cette vie mais « ça ne veut pas dire [qu’elle] accepte d’être encore plus précaire ». « Si cette loi passe, les mois en intersaison ne seront pas comptabilisés. On ne peut avoir des carrières complètes en tant que saisonnier. Alors, à quel âge on va pouvoir partir en retraite et dans quelles conditions ? », interroge-t-elle.

Même si dans « le milieu des saisonniers, on ne parle pas beaucoup de la grève », elle trouve « important » de se mobiliser, surtout « sur un lieu de vacances ». « C’est sûr qu’il va y avoir des clients qui seront mécontents mais ça permet aussi de leur montrer que sans nous, il n’y a pas de vacances. »

Les syndicats ont déjà rassuré en expliquant que « les remontées fonctionneront normalement à partir du lendemain », ne voulant pas « fragiliser encore des entreprises déjà en difficulté ». Le préavis « illimité » permet de faciliter une nouvelle journée de mobilisation à l’avenir.

Une réforme qui va faire fuir les saisonniers

Les répercussions seront alors moindres que celles déjà imaginées. « Il y a des stations où ça ne bougera pas du tout, estime Sébastien, 34 ans, saisonnier. Beaucoup de jeunes sont déconnectés et ne se posent pas la question. » Cet ancien Parisien, en formation pour travailler dans les remontées mécaniques, rejoindra le mouvement « sans aucun doute ».

Il est persuadé que les conséquences du passage de cette réforme seront terribles. « Dans quelques mois, on entendra les patrons se plaindre de ne pas trouver de la main-d’œuvre », lâche-t-il. Il repense à la réforme sur l’assurance-chômage qui a déjà « fait fuir beaucoup de saisonniers ». « Elle a fait perdre 20 à 30 % des indemnités lorsqu’on est en intersaison », explique-t-il.

De quoi se plaignent les saisonniers ?

Depuis huit ans, il jongle entre la Savoie l’hiver, l’Atlantique l’été. « De quoi on se plaint hein », ironise-t-il, faisant référence aux réflexions qu’il a l’habitude d’entendre. « Entre les saisons, on se remet de l’activité intense qu’on vient de vivre, avec des horaires décalés, à rallonge. On anticipe le prochain contrat avec toute la logistique que ça entraîne et on essaie de se reposer. Parce que nous aussi, on a le droit d’avoir des vacances. »

Comme Emma, il pense que la mobilisation peut « faire changer les choses » et « faire éveiller les consciences ». Leur rêve ? « Un statut adapté, au même titre que les intermittents pour prendre en compte le rythme différent » et être « enfin pris en considération ». « La France est l’un des pays les plus visités au monde, et si c’est le cas, c’est aussi grâce à nous », conclut Sébastien.