France

Réforme des retraites : « De quoi ils se plaignent », s’indignent les voisins Belges

La réforme des retraites a finalement été promulguée en France, y compris son article le plus controversé repoussant l’âge légal de départ à 64 ans. Un texte qui a fait sortir des millions de personnes dans les rues pour un mouvement social d’une ampleur inégalée depuis les Gilets jaunes. Si les manifestations se sont calmées depuis la décision du Conseil constitutionnel d’homologuer la réforme, syndicats et partis d’opposition appellent à une mobilisation massive le 1er mai. Et pendant ce temps, de l’autre côté de la frontière, en Belgique, nos voisins grincent des dents. Parce que pour eux, l’addition est encore plus salée avec un âge de départ à la retraite repoussé à 67 ans à l’horizon 2030.

C’est dans la commune frontalière de Mouscron que nous nous sommes rendus pour demander à nos voisins belges leur sentiment sur le mouvement social français contre la réforme des retraites. « Oh la la la la, si vous voulez me lancer là-dessus, vous n’êtes pas prêt », s’emballe Catherine, une jeune retraitée de 66 ans. « Chez nous, c’est 67 ans, et vous vous plaignez pour 64 ans », s’indigne-t-elle. « Il faut travailler et apprendre aux jeunes à prendre la relève, sauf que ça ne se fait pas du jour au lendemain », estime la sexagénaire.

« Ah ils peuvent grogner s’ils veulent »

« Ah ils peuvent grogner s’ils veulent, mais les temps ont changé, les gens vivent plus longtemps et si ça continue comme ça, dans 25 ans, plus personne n’aura de pension en France », lance un autre retraité, ancien pharmacien, qui préfère ne pas nous dire son nom. Lui a bossé dès 1969 pour terminer sa carrière en 2014, « et les dernières années c’est comme si j’avais 20 ans », affirme-t-il. « C’est abusé », renchérit Jean-Marie, commerçant. Des réactions comme ça, il y en a pléthore, y compris chez les politiques. « Comme on vit plus longtemps, il ne faut pas avoir fait l’ENA pour comprendre qu’il faudra travailler davantage », reconnaît Paul-Olivier Delannois, le bourgmestre (maire) de Tournai, une autre ville belge à la frontière. Et d’ailleurs, selon lui, il y a une demande en ce sens : « J’ai énormément d’agents communaux qui souhaitent travailler au-delà de l’âge légal », assure l’élu.

L’argument unanime pour regarder d’un mauvais œil la contestation française est donc que l’herbe est encore un peu plus verte chez nous. « Je propose d’aller manifester en France en faveur de la retraite à 64 ans en Belgique », ironise même Benoît sur Facebook. Parce que chez nos voisins, le report de l’âge de départ à 67 ans en 2030 est passé crème, et c’est bien ce qui ulcère les principaux intéressés. « Ils ont raison de se battre pour leurs droits », clame Yasmine, 16 ans, pour qui partir à 67 ans « c’est beaucoup. »  Mais elle n’a pas protesté pour autant quand cela a été décidé : « Si j’avais su, je serais sans doute descendue aussi dans la rue », déplore l’adolescente. « En Belgique c’est 65 ou 67 ans et on ne dit rien chercher l’erreur », fulmine Marc. « Les futures réformes parlent de faire passer la retraite à 66 et ensuite à 67 ans chez nous. Pas de grève ! On est contents ! », renchérit Alessandro.

En fait, aucune des personnes interrogées n’a su nous dire quand la réforme était passée en Belgique. « On n’a pas le choix nous, et ça n’a généré aucune contestation sans que je puisse m’expliquer pourquoi », s’interroge Jean-Marie, le commerçant de Mouscron. Un mystère qui s’explique sans doute par le fait que cette décision ne date pas d’hier. En effet, dès 2013, cette hypothèse avait été évoquée, et reprise à son compte par le gouvernement fédéral formé après les élections de 2014. Et ceux qui s’en souviennent y étaient farouchement opposés pour certains. A l’époque, le syndicat belge FGTB dénonçait une « mesure [qui] n’a aucun sens puisque l’espérance de vie en bonne santé en Belgique est actuellement de 64 ans en moyenne », tout en revendiquant un retour « à l’âge légal de la pension à 65 ans ». « Chez nous, ça n’a pas fait tant de vagues, mais pour les Français, je pense que cette réforme est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », estime le bourgmestre de Tournai.