France

Réforme des retraites : C’est quoi la recette pour donner un coup de fouet à la mobilisation ?

Face à « l’accélération » promise par le gouvernement, les opposants prônent toujours la mobilisation, près de trois mois jour pour jour après la première manifestation contre la réforme des retraites, mi-janvier. Ce qui n’était alors qu’un projet de loi a bien évolué depuis. Il a subi un examen mouvementé par les deux chambres, est mécaniquement passé grâce au 49-3, avant de valider le contrôle technique du Conseil constitutionnel, vendredi dernier.

Dans le même temps, les opposants, menés par l’intersyndicale, n’ont aucune intention de jeter l’éponge. Depuis le 19 janvier, les cortèges ont mené la fronde en exigeant le retrait, préalable à toute discussion de fond avec le pouvoir en place. Mais, après un trimestre de lutte, marqué notamment par 12 journées de mobilisation et près d’1,3 million de personnes dans la rue le 7 mars dernier, l’heure est à la relance.

Faire vivre le mouvement autrement

L’intersyndicale profite du 1er mai, journée qui leur est habituellement dédiée, pour demander à nouveau le retrait du texte. Laurent Berger de la CFDT a appelé à « casser la baraque » le jour de la fête du Travail. Une date, qui, en plus d’être symbolique, permet d’imposer l’agenda des contestataires. « Avant, les manifestations suivaient le calendrier de l’exécutif : avant un Conseil des ministres, après le 49-3, avant la décision du Conseil constitutionnel, liste Alice Picard, porte-parole de l’ONG altermondialiste Attac. Ce qui fait la force du 1er mai, c’est que la date n’est pas dictée par le gouvernement. »

Mais comment faire tenir le mouvement jusque-là ? « Il faut s’appuyer sur les ingrédients qui ont marché : l’unité syndicale tient toujours, les organisations appellent à des manifestations qui rassemblent en nombre, ajoute la militante de gauche. Entre deux journées de mobilisation, l’important, c’est de continuer à faire vivre le mouvement, par des pétitions, des actions symboliques, des blocages, le soutien aux grévistes. »

Pour Michel Fize, sociologue spécialiste des mouvements sociaux et auteur du livre Colères, « le défi pour les manifestants va consister à occuper le plus possible l’espace public par tous les moyens possibles », jusqu’au 1er mai.

« Un mouvement qui dure, c’est un mouvement diversifié »

Une mission bien entamée par les opposants, qui ont perturbé mardi la visite de deux ministres à la CAF de Paris. Autre point de passage avant la fête du travail : les syndicats de la SNCF prévoient une journée de « colère cheminote » jeudi prochain, veille des vacances scolaires à Paris.

« Un mouvement qui dure, c’est un mouvement diversifié », commente Alice Picard. Lundi, pour protester contre la réforme des retraites, Attac a lancé un appel à des « casserolades » devant les mairies durant l’allocution présidentielle.

Selon l’association, plus de « 300 rassemblements » se sont tenus sur l’ensemble du territoire. « L’idée, c’est aussi de proposer des formes d’action qui exposent moins à la répression et la violence policière, c’était aussi le sens de cet appel au concert de casseroles. Il y a aussi un besoin de renouveler les formes de rassemblement. Avec les casseroles, on s’est inspirés d’un mouvement qui s’est tenu en Argentine il y a une vingtaine d’années », détaille la porte-parole.

« Entre résignation et motivation, qui va l’emporter », questionne Michel Fize. Le sociologue voit déjà plus loin que le 1er mai pour les opposants. « Pour les syndicats notamment, la séquence la plus difficile va intervenir après cette date. L’unité va-t-elle tenir ? Comment va se positionner la CFDT, un syndicat qui aime la co-construction ?, interroge l’expert, avant de rappeler un précédent historique. En 2003, lors de la réforme des retraites présentée par le gouvernement Raffarin, après trois mois de lutte, François Chérèque, le leader de la CFDT, avait rallié l’exécutif. »